A La Roche-sur-Yon, les « Michelins » sonnés par l’annonce de fermeture de leur usine
L’équipementier français a confirmé la fermeture du site vendéen d’ici à la fin 2020. Face au plan de sauvegarde de l’emploi prévu par Michelin, les syndicats annoncent vouloir poursuivre la bataille pour conserver la pérennité de leur usine.
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Certains regards sont hagards. D’autres, sont emplis d’une rage sourde. A 8 h 45, jeudi 10 octobre, les 619 salariés du géant du pneumatique français ont collectivement encaissé le message qu’ils craignaient d’entendre. En raison des « difficultés du marché » et « d’une concurrence exacerbée », la direction leur a annoncé qu’ils perdraient leur emploi « d’ici à la fin 2020 ».
« En vingt minutes à peine, ils nous ont dit “merci vous pouvez rentrer chez vous” », lance dans un calme paradoxal, Frédéric, vingt-deux ans d’ancienneté sur le site de La Roche-sur-Yon. Vous parlez d’un modèle social. Florent Menegaux [président du groupe depuis le 17 mai] n’a même pas eu le courage de venir nous l’annoncer en face, poursuit le quinquagénaire. Il a délégué le sale boulot au directeur du site. C’est d’une violence ! »
« S’il n’y avait pas eu les débrayages de la semaine dernière, complète Guillaume, ancien salarié parisien arrivé sur le site vendéen il y a un peu plus de trois ans, on serait toujours sur nos lignes à travailler et on aurait fini par apprendre la nouvelle par médias interposés. C’est donc ça, le modèle social tant vanté par Michelin ? »
« L’esclavagisme, ça suffit ! »
Cigarette au coin des lèvres, le trentenaire, regard digne, ne décolère pas. « On est en train d’être foutus dehors comme des chiens. Après avoir accepté de passer des 3/8 en 4/8. Après avoir plié l’échine comme on nous l’a demandé et, alors même que la santé financière de la boîte est excellente, on nous vire ? L’esclavagisme, ça suffit ! », s’emporte-t-il.
En écho à la colère des mots, sur le parking de l’usine, des « Michelins » montent une petite pyramide de pneus usagers, consolidée à coup de palettes de chantiers. Une large fumée acre noircie la zone industrielle de la route de Nantes. Un stand s’installe sur le parking et les langues se délient. « Mon frère aîné travaille ici depuis quinze ans, raconte, sonné, Jérôme, à peine trois ans d’ancienneté. Qu’est-ce qu’il va devenir ? Comment va-t-il payer sa maison, les activités de ses gamins ? On nous parle du “miracle économique vendéen”, pourquoi pas ? Mais retrouver un emploi dans l’agroalimentaire ou la plaisance et devoir redémarrer à zéro alors qu’après quinze ans de boîte, on était payés 1 800 euros sans compter les primes et l’ancienneté, ce n’est pas du tout la même chose », réagit le jeune homme d’une voix faible.
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