A Colombelles, « nul n’est inemployable »

A Colombelles, « nul n’est inemployable »

PORTRAIT DE FABRICE LIZIARD. FABRICE EST AGENT POLYVALENT, SPECIALISE DANS LES ESPACES VERTS. IL TRAVAILLE CHEZ ATIPIC POUR TOUTE SORTE DE MISSION. AUJOURD'HUI, CHEZ UN PARTICULIER AVEC SON COLLEGUE JEREMI RENARD, IL DOIT ENLEVER UNE ALLEE DE GRAVIER. LA VILLE DE COLOMBELLES A MIS EN PLACE LE DISPOSITIF TERRITOIRE ZERO CHOMEUR. IL EST GERE PAR L'ASSOCIATION ATIPIC ET PERMET A DES CHOMEURS DE LONGUE DUREE DE RETROUVER UN TRAVAIL DANS DES DOMAINES TRES VARIES. COLOMBELLES, CALVADOS, 8 OCTOBRE 2020.

Florence Brochoire pour « Le Monde » »

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Publié aujourd’hui à 17h47

Depuis une bonne partie de la matinée, Jaouad Harrachi sillonne l’exploitation pour repérer ce qui peut être cueilli. Coup de chance : le sol est meuble, mais pas détrempé, en dépit des averses de la veille. Carottes, choux-fleurs, potimarrons, oignons… Dans ce coin de Normandie, qui surplombe la périphérie de Caen, le début de l’automne offre encore du choix. On trouve même plusieurs variétés de tomates, cultivées sous serre. « Goûtez celle-là », suggère le quadragénaire en exhibant dans le creux de sa main une baie de petite taille, avec quelques reflets tirant sur le violet.

Jaouad Harrachi, maraîcher dans le « Potager d’Annie », prépare les paniers de légumes avant de les livrer, à Colombelles (Calvados), le 8 octobre.

Cheveux de jais et voix posée, Jaouad Harrachi a l’air serein. Il dit que « ça [lui] a fait du bien » d’avoir décroché cet emploi au « Potager d’Annie », un site de maraîchage glissé entre de vastes parcelles agricoles, deux routes départementales et une zone d’activités parsemée de locaux commerciaux. « Travailler la terre, y’a pas mieux. C’est un beau métier, confie-t-il. Il y a toujours du boulot. Toujours quelque chose à faire. Désherber, passer la tondeuse. » Et quand la pluie tombe, « pas d’excuses » : avec les serres, il est possible de se rendre utile. Jaouad Harrachi apprécie d’être au grand air, toute la journée.

« Pas le travail qui manque »

Avant, il était manutentionnaire dans un établissement Carrefour de Ouistreham (Calvados), à quelques kilomètres de là. Un poste occupé sans discontinuer « pendant vingt ans ». Il a « arrêté » à cause d’un pépin de santé. Et aussi parce qu’il voulait « changer » : « Je ne voyais que le noir dans le magasin, j’ai dit stop. » Après « un an et demi » de chômage et de missions en intérim, il a finalement réussi à se faire embaucher, en octobre 2018, dans une entreprise très singulière.

Tellement singulière, d’ailleurs, qu’elle s’appelle Atipic. Mais celles et ceux qui l’ont fondée auraient très bien pu la baptiser Utopique – pardon, « Utopic » –, tant son objet social paraît un peu fou : elle ne recrute, en CDI et au smic, que des personnes privées d’emploi depuis au moins un an. Sa spécialité ? Répondre à des besoins locaux sans entrer en concurrence avec des employeurs déjà installés dans le secteur : transport de personnes, recyclage de tissus, réparation de cycles, etc.

« La concierg’ je ris » créée par Atipic, réceptionne et distribue des colis, remet leur panier aux clients du « Potager d’Annie », organise des transports solidaires et aide pour des démarches en tout genre.

Etablie à Colombelles, une commune de la banlieue caennaise, Atipic a déployé ses ailes dans le cadre de « Territoire zéro chômeur de longue durée » (TZCLD), une expérimentation nationale engagée sous le quinquennat Hollande qui concerne neuf autres bassins d’emplois en France. Une deuxième vague est prévue, à partir de 2021, dans au moins quarante municipalités, grâce à une proposition de loi qui étend le champ de l’opération. Après avoir fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire entre les élus des deux assemblées parlementaires, le texte doit être voté définitivement au Sénat, mercredi 4 novembre. Il le sera ensuite dans quelques jours par les députés.

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