Du bon ou mauvais usage du droit, au travail
Carnet de bureau. Si depuis quelques jours les salariés peuvent enfin manger à leur poste de travail en toute légalité, ils étaient nombreux à bafouer cet interdit depuis des années dans la plus totale impunité. Une fois l’épidémie de Covid-19 terminée, cette situation pourrait bien se reproduire : le décret 2021-156 adopté le 14 février ne supprime pas l’article 4228-19 du code du travail, qui interdit de se restaurer « à l’intérieur des locaux affectés au travail », mais n’accorde qu’une dérogation temporaire liée à l’état d’urgence sanitaire. Les salariés qui déjeunent fréquemment à leur bureau devront déguster ces précieux moments de légalité, car ils pourraient ne durer qu’un temps.
A l’instar de l’article 4228-19, d’autres lois sont couramment enfreintes dans les entreprises, parce qu’elles ne correspondent plus à la vie quotidienne des salariés, sur la prohibition d’alcool (R4228-20), la fourniture de trois litres d’eau par jour (R4534-143), ou l’exigence d’un local d’allaitement (L1225-32) par exemple. Le code du travail se construit au fil du temps pour résoudre des problèmes d’hygiène, de sécurité ou de conditions de travail du moment. Au début du XXe siècle, il s’agissait de lutter contre l’alcoolisme des ouvriers, aujourd’hui il faut protéger les salariés de la propagation du Covid-19.
Les citoyens doivent respecter la loi parce qu’« ils en sont les auteurs », indique le site Viepublique.fr. Mais l’usage évolue plus vite que le droit. Quand les pratiques en entreprise – le déjeuner sur le pouce, les pots de Nouvel An ou de départ d’un collègue – contreviennent fréquemment aux lois, les salariés ignorent ou feignent d’en ignorer l’existence, en accord total avec les responsables des ressources humaines qui seraient bien en mal de les faire appliquer.
L’inventivité et l’adaptation des salariés
Qui n’a pas participé à un pot en 2020 ? Pourtant, depuis le 6 mars 1917, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Cette loi a été instaurée à une époque où seuls les alcools blancs étaient jugés nocifs pour la santé mais où la consommation de vin par repas était d’un demi-litre par personne. Les habitudes ont bien changé. Aujourd’hui, l’Agence nationale de santé publique donne comme repère de « consommation à moindre risque » : deux verres par jour.
Les DRH verraient quand même d’un mauvais œil la consommation quotidienne de vin, bière ou champagne, à son poste de travail – l’employeur étant tenu responsable de la santé physique et mentale des salariés. Mais ils savent que les pots sont un moment de convivialité précieux pour entretenir la cohésion d’équipe.
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