Covid-19 : la sortie du chômage partiel, un défi pour l’Europe
Au début de la pandémie de Covid-19, les pays européens se sont lancés dans une vaste expérimentation économique pour protéger l’emploi : tous ont mis en place des programmes de chômage partiel d’une ampleur sans précédent, permettant aux entreprises de conserver leurs employés à coût très réduit. En avril, 32 millions d’Européens ont ainsi bénéficié de ce système, trois fois plus que le nombre de chômeurs officiels. La France est le pays qui a le plus utilisé ce système, avec 34 % de ses employés au chômage partiel à son pic, devant l’Italie (30 %), l’Espagne (21 %) et l’Allemagne (15 %). En comparaison, après la crise financière de 2008, le chômage partiel concernait entre 1 % et 3 % des employés.
Une étude de la Banque centrale européenne, publiée le 6 janvier, essaie d’évaluer l’efficacité de cette approche. Cela a-t-il permis de préserver l’emploi, les chômeurs partiels retrouvant leur travail une fois la crise passée ? Ou est-on en train de créer des emplois subventionnés qui n’ont plus de raison d’être économique ?
L’étude ne tranche pas, mais se veut plutôt encourageante. En octobre 2020, avec la reprise progressive de l’activité, 8 millions de personnes étaient encore au chômage partiel. Soit quatre fois moins qu’en avril. Pendant ce temps, le taux de chômage est resté relativement stable : en zone euro, il a progressé de 7,2 % avant la pandémie à 8,3 % en novembre 2020.
Travail « réalloué »
Où sont passés ceux qui étaient chômeurs partiels au deuxième trimestre ? Une large partie a retrouvé leur emploi. Mais une autre a non seulement perdu leur travail, mais a abandonné l’idée même d’en chercher un nouveau : ceux-là sont allés joindre les rangs des « inactifs ». Les chercheurs calculent que le taux de participation au marché du travail a baissé de 2 points au premier semestre 2020.
En l’état actuel des statistiques, la répartition exacte entre ces deux catégories n’est pas connue. « Il n’est pas clair de savoir combien de ces travailleurs retrouveront leur travail (…) et combien risquent de le perdre », écrivent les chercheurs dans leurs conclusions.
Néanmoins, plus le temps passe, et plus la raison d’être de certains postes risque de disparaître. Les consommateurs achètent de plus en plus en ligne et pourraient ne pas retourner aussi souvent dans les magasins après la pandémie. Les entreprises numérisent leurs activités, transformant les emplois. Progressivement, le travail va être « réalloué ». « Cette réallocation (…) va dépendre de la durée de la crise et des possibles changements structurels de la demande. Plus le choc durera, plus ce sera nécessaire. »
Le chômage partiel pourrait masquer ce processus. Les chercheurs suggèrent de rendre le système progressivement moins généreux et d’y attacher des conditions (par exemple, obliger l’entreprise à prendre en charge une partie plus importante du salaire). Ils proposent aussi que d’importants programmes de formation soient déployés, pour remettre à niveau ceux qui perdraient leur emploi.