Logistique urbaine : l’impact social et environnemental de la livraison
Les grands sites d’e-commerce, d’Amazon à Cdiscount, en font un argument de vente : la livraison est le plus souvent « gratuite ». Cette mention figure en bonne place à côté du prix de vente des articles. Les supermarchés Monoprix ou Casino promettent également de livrer les courses sans frais si le montant du chariot atteint un certain montant. Début décembre, le service de livraison de plats cuisinés Uber Eats lançait aussi un abonnement mensuel « pour des frais de livraisons gratuits ».
Pourtant, comme le rappelle Lydia Mykolenko, géographe-économiste chargée des études sur la logistique à l’Institut Paris Region, « la livraison gratuite n’est pas gratuite, elle a un coût social et environnemental ». « On ne veut plus de pollution ni de camions en ville, mais on exige son colis tout de suite, ajoute-t-elle. Cette schizophrénie nous concerne tous. Il faudrait que les gros consommateurs de colis connaissent l’impact de leur clic sur leur cadre de vie. »
A titre d’exemple, le prix du colis livré par La Poste s’établit en moyenne autour de 4 à 5 euros. Le patron de FM Logistic estime, lui, à une trentaine d’euros – 15 euros de préparation de commande et 15 euros de transport – le chariot de supermarché livré à domicile. La livraison, loin d’être gratuite, est donc « offerte » par le marchand, qui limite ses frais et ferme souvent les yeux sur les conditions de travail et les revenus des livreurs, sous-traitants pour la plupart. « A l’inverse du transport routier par gros camions, le transport léger n’est soumis à aucune règle. Les prix défient donc toute concurrence », précise Mme Mykolenko.
« Conflit entre le consommateur et le citoyen »
Parmi les plus précaires figurent les livreurs de repas, de courses alimentaires et de colis qui travaillent pour une application smartphone. En menant une enquête de terrain, en janvier 2020, auprès de 300 livreurs de l’Est parisien, la chercheuse Laetitia Dablanc, associée au Laboratoire ville, mobilité, transport, a découvert que 37 % d’entre eux partageaient un compte d’autoentrepreneur, et se répartissaient donc les recettes, a priori parce qu’ils se trouvent en situation irrégulière.
La coopérative Olvo s’est associée avec des restaurateurs parisiens qui ont décidé de boycotter les Deliveroo, Uber Eats et autres Amazon Prime
« Il existe un conflit entre le consommateur et le citoyen, confirme le patron d’un opérateur logistique. Des gens bien-pensants commandent à des livreurs qui sont des marchands d’esclaves. » La coopérative Olvo s’est associée avec des restaurateurs parisiens qui ont décidé de boycotter les Deliveroo, Uber Eats et autres Amazon Prime. La livraison coûte 5 euros, mais les livreurs sont tous salariés.
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