Les salariés de Bosch Rodez craignent d’être « les sacrifiés » du diesel
Onet-le-Château, son patrimoine médiéval, ses pavillons paisibles et son usine cinquantenaire encore appelée affectueusement « la Bosch ». Sous une apparente tranquillité, le feu couve dans cette usine de fabrication de pièces automobiles pour moteurs diesel, implantée sur cette commune accolée à Rodez, la capitale aveyronnaise. Le 10 novembre, la déclaration du président de Bosch France a provoqué un émoi sans précédent et ravivé l’inquiétude des salariés.
Dans un contexte marqué par le recul des ventes de véhicules diesel, accéléré par la crise sanitaire, Heiko Carrie aurait déclaré envisager plusieurs hypothèses pour le site, dont sa fermeture. Une piste qui fait chanceler cette énorme usine qui fait travailler 1 300 personnes, 6 000 en comptant les emplois indirects.
« Qu’est-ce que je vais laisser à ma fille de 3 ans ? Est-ce que j’aurai les moyens de l’aider à faire des études, de lui acheter une voiture ? », s’interroge à haute voix Michel, technicien opérateur au lavage des pièces. « Est-ce que je dois partir d’ici ? Il est difficile de se projeter, mais j’apprendrai un autre métier. Il faudra bien », estime, résigné, ce Ruthénois de 45 ans, employé chez Bosch depuis vingt et un ans
Production en nette baisse
« Le jour de l’annonce, ma famille m’a appelé pour me demander comment j’allais payer le crédit de ma maison », rapporte Julien, « écœuré ». « On se sent abandonnés par les politiques et on constate le désengagement de Bosch », regrette ce technicien embauché à ses 18 ans. « Mon CV est à jour. Je regarde les annonces des industriels proches de mes compétences, et à Toulouse. Mais je ne postule pas beaucoup. La pandémie est passée par là. »
Depuis la mise en évidence des méfaits des particules fines sur la santé et le scandale des moteurs truqués, en 2015, le diesel est en plein déclin. « Nous constatons une érosion des ventes de véhicules diesel en France et en Europe, que la crise mondiale du Covid-19 a intensifiée », rappelle la direction de Bosch. En France, son poids dans les achats de véhicules neufs est en net recul, de 73 % en 2012 à 34 % en 2020.
Une catastrophe pour le site aveyronnais, où la production est en nette baisse : le nombre d’injecteurs produits est passé de 2,4 millions en 2018 à un peu moins de 1,2 million en 2020. Le volume des buses s’est effondré, de 7,8 millions à 4,1 millions. La pilule ne passe pas pour les syndicats. « C’est un choc », enrage Jean-Pierre Cabrol, délégué syndical Sud. « Bien sûr, on savait que la situation était compliquée, mais de là à fermer… On ne s’y attendait pas. D’autant que nous, salariés, avons fait des efforts pour gagner du temps, maintenir les compétences et éviter un plan de sauvegarde de l’emploi. »
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