« Le métier devient plus physique, on essaie de perdre le moins de temps possible »
En cette matinée brumeuse de début décembre, dans le centre de distribution de La Poste de Pont-de-Chéruy (Isère), au milieu d’une valse de chariots débordant de colis, les livreurs s’affairent, trient, scannent les paquets, les chargent dans leurs camionnettes jaunes. Des jouets, du matériel électronique, des bons plans sur Veepee (Vente-privee). A l’autre extrémité du hangar, l’organisation de la tournée de lettres des facteurs se fait au calme. A l’image des activités de La Poste en 2020, dont le métier courrier s’effondre, alors que le colis connaît une croissance exponentielle. L’opérateur public prévoit de traiter en décembre jusqu’à 4 millions de paquets Colissimo par jour, contre 3,1 millions à la même période en 2019.
Affecté à la livraison de colis, Thomas, 40 ans, facteur depuis dix-huit ans, se prépare à livrer 150 colis au pas de charge. Comme il y a deux fois plus de paquets à distribuer en cette période de fête, son circuit a été divisé par deux, la deuxième moitié étant confiée à un intérimaire. « Sur cette plate-forme, on a huit personnes en renfort depuis la mi-octobre, le temps de la “peak period”, jusqu’au 24 décembre », explique-t-il.
L’époque où le facteur faisait une pause-café en distribuant ses lettres paraît bien loin. Ce jour-là, sous la pluie battante, chaque minute compte. Dans les immeubles, Thomas monte les marches quatre à quatre. Il court en petite foulée d’un pavillon à l’autre. « Le métier devient plus physique – ce qui personnellement me va bien – parce qu’on a plus de colis à distribuer. On essaie de perdre le moins de temps possible », dit-il. Son prédécesseur a quitté son poste parce qu’il ne tenait pas la cadence.
Chou blanc
Le postier connaît la plupart des destinataires, en particulier les accros de l’e-commerce, qui commandent presque tous les jours. « C’est le cas de 50 % des gens sur une tournée comme la mienne, indique-t-il, plutôt des jeunes, beaucoup de nounous qui gardent des enfants chez elles. » La fréquence des rencontres avec les riverains a toutefois reflué. D’abord parce que la grande majorité des boîtes aux lettres, aujourd’hui normalisées, disposent d’une contenance suffisante pour recevoir la majorité des colis. Mais aussi parce que le facteur fait régulièrement chou blanc lorsqu’il doit en remettre un en mains propres.
Avant de quitter le centre-ville, Thomas sonne à l’Interphone d’une copropriété. L’appareil, défectueux, renvoie vers un voisin. Le numéro de téléphone de la destinataire n’est pas attribué. « Là c’est pénible, témoigne-t-il, parce que c’est un Chronopost, la cliente a payé pour une livraison express, et je suis dans l’impossibilité de la livrer. » Peu après, il s’arrête devant une villa. Le son de la télé passe à travers la baie vitrée mais personne ne répond aux coups de sonnette, ni aux coups de klaxon. Thomas remplit à la chaîne les avis de passage. A l’issue de la tournée, une vingtaine de colis lui resteront sur les bras et devront être représentés le lendemain.
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