A Béthune, « le coût cumulé sur dix ans de la fermeture de Bridgestone s’élève au minimum à 228 millions d’euros »
Tribune. Bridgestone, l’un des premiers fabricants mondiaux de pneus, a annoncé le 12 novembre la fermeture de son usine de Béthune (Pas-de-Calais), qui employait 863 employés. De tels plans sociaux risquent malheureusement de se multiplier dans les mois à venir. S’ils ont des conséquences dramatiques pour les salariés concernés, ce sont aussi des territoires entiers qui sont marqués, et très durablement, par ces fermetures.
Et c’est à cette aune que les chiffres avancés pour préserver et développer un site industriel doivent être appréciés : 168 millions d’euros d’investissement à Béthune, selon Bridgestone ; 100 millions d’euros, en partie publics, selon le plan proposé par le gouvernement. Ces sommes sont à comparer au coût à long terme pour la collectivité d’une telle fermeture, qui pourrait de fait se révéler bien supérieur.
Tout d’abord parce que les destructions d’emplois industriels sont dévastatrices. Lorsqu’une usine ferme, ce sont les emplois des sous-traitants et de tous les services associés qui sont menacés : commerces, restaurants, entreprises de nettoyage, agences d’intérim… Les effets d’entraînement, ou (dé)multiplicateur, de l’emploi industriel sur l’emploi total sont élevés.
2 500 emplois pourraient disparaître
C’est le cas aux Etats-Unis (« Local Multipliers », Enrico Moretti, American Economic Review n° 100/2, 2010), mais aussi en France où nous estimons qu’entre 2008 et 2019 une réduction de l’emploi industriel de 1 % s’accompagne d’une baisse de 0,6 % de l’emploi total du bassin d’emploi.
Dans le cas de la fermeture de l’usine Bridgestone de Béthune, ce ne serait pas seulement 863 emplois (soit environ 6 % de l’emploi industriel du bassin d’emploi) qui pourraient disparaître, mais près de 2 500.
Ensuite, le risque est grand que les effets liés aux licenciements perdurent et s’aggravent, comme le révèlent des études récentes : en Allemagne, où l’emploi local continue de baisser même dix ans après des licenciements collectifs massifs (« Spillover Effects of Mass Layoffs », Christina Gathmann, Ines Helm, Uta Schönberg, Journal of the European Economic Association n° 18/1, 2020).
Ou encore au Brésil et au Danemark, où les effets négatifs d’une ouverture accrue au commerce international sur l’emploi local et sur les travailleurs concernés se sont renforcés au cours du temps (« Trade Liberalization and Regional Dynamics », Rafael Dix-Carneiro et Brian K. Kovak, American Economic Review n° 107/10, 2017 ; et « Workers Beneath the Floodgates : Low-Wage Import Competition and Workers’Adjustment », Hale Utar, The Review of Economics and Statistics n° 100/4, 2018).
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