Accord sur le télétravail : « Le texte fait du bien-être des salariés un enjeu managérial »
Alors que l’activité à distance s’est fortement développée depuis le début de la crise sanitaire, jeudi 26 novembre, quatre syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO) ont approuvé le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, qui leur avait été soumis en fin de matinée par les trois mouvements patronaux (CPME, Medef, U2P). Seule la CGT s’est montrée défavorable. Le texte n’est pas encore formellement signé : chaque organisation a jusqu’au 23 décembre pour le faire avaliser par ses instances dirigeantes.
Nicole Maggi-Germain, enseignante-chercheuse en droit social à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, salue les mesures pour prendre en compte l’isolement des employés.
Quel est le but de cet accord national interprofessionnel sur le télétravail ?
Nicole Maggi-Germain : L’accord n’est pas révolutionnaire, mais il vise à clarifier le cadre dans lequel le télétravail peut entrer en vigueur au sein d’une entreprise. Le texte regroupe un certain nombre de points qui étaient jusque-là dispersés dans plusieurs documents : le précédent ANI de 2005, le code du travail et la jurisprudence.
En 2005, un premier ANI a été signé concernant le télétravail, mais jusqu’ici, le télétravail était pensé pour être une exception et non un mode d’organisation généralisé, comme c’est le cas depuis le début de la pandémie en France.
L’expérience du confinement a amené les pouvoirs publics et les entreprises à reconsidérer ce mode d’organisation. Finalement, l’accord est peu contraignant pour les employeurs, mais sa souplesse permet aux partenaires sociaux de chaque entreprise concernée par le télétravail de s’en emparer et de l’adapter à leur situation. Dans l’article 2.2 du texte, les auteurs insistent sur l’importance de faire de la mise en place du télétravail « un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise ».
Quelles sont les mesures fortes du texte ?
Ce qui est intéressant est l’appel à la prise en compte du bien-être des salariés. Le texte en fait un enjeu managérial. Par le biais de l’accord sur le télétravail, les partenaires sociaux demandent de prendre en considération les particularités de l’environnement de chacun. C’est la première fois qu’on le formalise dans un texte. Ainsi, les employeurs sont appelés à organiser des formations, car le télétravail nécessite une aptitude plus forte à utiliser les outils numériques.
L’article 5 souligne que le télétravail peut isoler le salarié, il est essentiel d’en parler. Le texte est l’occasion de mettre à plat des pratiques sociales. Dans le cas du télétravail, l’accord explique que le salarié ne doit pas subir une dégradation des conditions de travail et doit être disponible pour l’entreprise, cela fonctionne dans les deux sens.
Un autre point important est celui du remboursement des frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. On ne se pose pas la question quand on va travailler en entreprise.
Quels sont les cas où le télétravail peut être imposé ?
La particularité du télétravail reposait jusqu’ici sur le double volontariat : pour que le télétravail soit mis en place, il fallait que l’employeur et les salariés se mettent d’accord. Ce principe est conservé, mais désormais, l’accord national interprofessionnel sur le télétravail distingue bien le travail à distance pendant les périodes habituelles et celui dans le cadre de circonstances exceptionnelles. Dans ce second cas, comme pendant la pandémie, l’employeur est en droit d’imposer le télétravail.
En règle générale, il est stipulé dans l’ANI que dès lors qu’un salarié informe l’employeur de sa volonté de passer au télétravail, l’employeur « peut, après examen, accepter ou refuser sa demande ».