La technologie viendra-t-elle au secours des télétravailleurs ?

La technologie viendra-t-elle au secours des télétravailleurs ?

Avec la pandémie de Covid-19 et les confinements instaurés dans de nombreux pays, le télétravail s’est imposé dans le quotidien de nombreux travailleurs. Un déplacement massif rendu possible grâce à différents outils technologiques. Ceux-ci ont néanmoins des limites : les visioconférences fatiguent, les notifications à outrance déconcentrent et ces outils peinent à répondre à toutes les problématiques liées au télétravail, comme l’isolement social. Qu’y peuvent les entreprises du numérique ? Quelles sont les innovations envisagées pour améliorer le quotidien des travailleurs à domicile ?

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  • Les affres de la visioconférence

La visioconférence concentre beaucoup de critiques, dont celles de Dominique Soler, président du cabinet d’ergonomie Human Design Group (HDG) :

« En visio, l’image et le son sont décalés, cela induit une surcharge cognitive. Cela donne aussi le sentiment que l’interlocuteur n’est pas concerné. On perd des informations corporelles clés, comme la gestuelle des mains. On a beaucoup de mal à déchiffrer ce que l’on nous dit. »

Delphine Donne-Crock, directrice de la division créativité et productivité chez Logitech, le fabricant de souris, claviers et webcams, dresse un constat pessimiste sur les réunions mêlant présentiel et distanciel : « Les personnes assises dans la salle de réunion sont avantagées par rapport aux télétravailleurs. » Dominique Soler ajoute que « les gens ont du mal à prendre la parole. Si l’on n’a pas un excellent chef d’orchestre pour donner et relancer la parole, certains ne participent plus ».

Si aucune solution miracle ne semble se dégager pour résoudre tous ces problèmes, quelques pistes sont avancées. Alex Cho, chef de la division PC de Hewlett-Packard, explique que son entreprise travaille sur la vision et l’ouïe :

« Nos études montrent qu’avec la pandémie les consommateurs veulent mieux entendre, mieux voir en visioconférence, qu’elle soit professionnelle ou familiale, mais aussi lorsqu’ils regardent des films et écoutent de la musique. Nous travaillons à des haut-parleurs multiples, à des groupes de micros qui gomment les bruits parasites par intelligence artificielle, à des capteurs d’image plus performants pour les webcams. »

Logitech réfléchit, quant à lui, à « des boutons de raccourci » qui nous aideraient à mieux participer, rapporte Delphine Donne-Crock – sans donner plus de précision pour des raisons de confidentialité. On imagine, par exemple, un bouton coupant le micro directement depuis le clavier.

D’autres idées plus surprenantes – voire inquiétantes – sont avancées. Concernant la fatigue liée aux visioconférences qui s’enchaînent, Andrew Bowell, qui pilote les investissements du groupe Hewlett-Packard dans les start-up (HP Tech Ventures), imagine ainsi un outil qui nous alerterait « quand notre attention dérive » – sans préciser s’il s’agit d’un projet en développement ou d’une simple idée en l’air.

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  • L’explosion des notifications

Beaucoup se plaignent d’une explosion des notifications, « les manageurs en particulier », souligne Dominique Soler. Celles-ci peuvent parfois se compter en centaines pour une seule journée.

Des innovations sont-elles en cours du côté d’Android, le système d’exploitation mobile le plus utilisé au monde ? Interrogé à ce sujet, un porte-parole de Google – qui développe Android – se contente de renvoyer vers le mode d’emploi du logiciel, qui explique les différents réglages de notifications déjà possibles.

Les chercheurs n’ont-ils vraiment rien à nous offrir de neuf ? Dominique Soler n’est pas optimiste : « Je ne sais combien de start-up travaillent là-dessus depuis des années. » Les machines peinent encore à prendre des décisions si complexes sans faire d’erreur.

  • La maison, lieu de toutes les nuisances

Travailler à la maison signifie partager l’espace, avec les nuisances que cela implique, et parfois déplacer son poste de travail d’une pièce à l’autre. Ce qui appelle des évolutions ergonomiques auxquelles Hewlett-Packard dit travailler. Alex Cho raconte :

« Vous devriez voir ce qu’il y a dans nos labos ! On ressort d’anciens prototypes écartés parce qu’ils ne faisaient pas sens à l’époque, on reprend des concepts qui n’ont pas percé, on réfléchit à des choses nouvelles. »

Confidentialité oblige, Alex Cho ne fera aucune révélation, rappelant juste travailler « à toute sorte de technologies sans fil ». Mais, en l’écoutant, on entrevoit des ordinateurs portables beaucoup plus grands, qui permettent d’afficher plusieurs documents côte à côte et de taper plus confortablement. Alex Cho souligne aussi que les PC de bureau de type monobloc « tout en un » pourraient jouer un rôle dans l’amélioration de nos postes de travail à domicile : « Ils sont à la fois plus confortables que les PC portables et plus faciles à déplacer que les PC de bureau classiques. »

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  • Un lien social distendu

Autre écueil du télétravail : le sentiment d’isolement. Les réponses envisagées sont surprenantes. Harry Moseley, directeur de la technologie (CIO) de Zoom, logiciel de visioconférence, entrevoit une solution : réinventer les pauses-café et déjeuner grâce à la « visio ». Une intelligence artificielle serait chargée de programmer des rendez-vous entre des employés qui ne se connaissent pas, afin de « reproduire les rencontres qui se produisent spontanément dans un environnement de travail présentiel ».

Harry Moseley évoque une autre idée, encore moins consensuelle : laisser nos webcams connectées en permanence. « Ça ne pose plus problème, croit-il savoir. Les gens se sont habitués aux chats qui passent et aux enfants qui déboulent. La visio toujours allumée n’interdit pas de déconnecter de temps en temps pour aller faire un tennis, ou que sais-je. On se fait confiance. Le manageur ne gère plus des gens, mais des “rendus”. »

Pour rompre la solitude des télétravailleurs, les regards sont également tournés vers la réalité virtuelle (VR). L’espoir est qu’en enfilant un casque on ait l’impression de s’asseoir à côté de ses collègues. Mais selon Dominique Soler, la réalité n’est pas à la hauteur de cet espoir : « L’expressivité des avatars en 3D est encore très pauvre. Comment la rapprocher de celle des humains ? Comment réduire les coûts cognitifs induits par cet appauvrissement ? » Andrew Bowell concède :

« La VR en est encore à ses balbutiements. Mais nous travaillons à diverses améliorations. Nous équipons par exemple des casques de VR de capteurs qui transmettent des informations sur les traits du visage ou les mouvements des yeux, ce qui pourrait permettre de déterminer comment une personne se sent et de communiquer l’information à ses collègues. »

  • Le numérique ne peut pas tout

La plupart des problèmes causés par la massification du télétravail seront donc difficiles à corriger. « Les interfaces numériques n’arrivent pas à la cheville des interfaces humaines », souligne Dominique Soler, qui pense que les outils numériques que nous utilisons en télétravail érodent notre productivité. Ainsi estime-t-il que « refaire tout fonctionner avec les outils numériques qu’on connaît aujourd’hui, ou ceux qui arriveront dans un futur proche, c’est illusoire. D’autant que beaucoup de décideurs de grandes entreprises contraintes de recourir au télétravail pensent que la situation n’est pas durable et qu’ils font le dos rond. Le changement n’est pas leur priorité, ils ne font pas de gros investissements ».

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