Reconfinement : à Lyon, les indépendants défilent en cape noire sur la marche funèbre de Chopin
Le mouvement prend de l’ampleur. Plus de 300 commerçants et indépendants se sont rassemblés, lundi 9 novembre, devant les grilles de la préfecture de Lyon, contre une trentaine le lundi précédent, afin de protester contre la fermeture administrative de leurs établissements. Les professionnels de tous secteurs réclament désormais l’accès aux indemnités de chômage, et demandent aux assurances d’indemniser leurs pertes. Inspirés par leurs collègues de Toulouse, qui ont tourné une vidéo sur la place du Capitole, en mimant leurs chutes, les commerçants lyonnais ont revêtu des capes noires et porté un cercueil, au son de la marche funèbre de Chopin, en faisant le tour de la préfecture.
Une délégation a été reçue par le chef de cabinet du préfet de région. « Nous proposons des protocoles renforcés, nous avons parfaitement conscience de la situation sanitaire, nous sommes responsables, mais tout est balayé d’un revers de manche », dit en ressortant Thierry Fontaine, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH).
« Je ne comprends pas pourquoi nous sommes diabolisés. Nous savons parfaitement gérer les mesures de précaution. Si nous ne reprenons pas début décembre, nous ne tiendrons pas le coup », déclare ainsi Christian Têtedoie. Le chef étoilé est au premier rang de la manifestation pacifique, brandissant une pancarte sur fond noir : « Laissez-nous travailler ! » Sa présence marque une étape dans la mobilisation des indépendants. M. Têtedoie emploie 170 salariés, tous au chômage partiel, et avoue son désarroi : « à 60 ans, j’ai l’impression que je dois racheter ma propre entreprise, toutes les charges continuent, la dette s’accumule. »
« On se sent très seuls »
A ses côtés, des anonymes partagent le même ressentiment, à leur échelle. Fabien Laurier emploie treize salariés dans un salon de coiffure, et pense que le maintien de l’activité était jouable : « Après le premier confinement, nous nous étions équipés en matériel jetable, nous avions redémarré. » Le commerçant déplore les effets pervers des fermetures administratives : « Cette situation engendre du travail au noir, des coiffeurs vont chez les uns, chez les autres, les décisions arbitraires mènent à des pratiques dissimulées. Le “click and collect” cache parfois de la vente pure et simple. » Son épouse tient une boutique de prêt à porter dans la même rue du 4e arrondissement. « Toute ma collection d’hiver est livrée, stockée et payée, je n’ai plus aucun salaire, on se sent très seuls », confie Séverine.
Le sentiment d’abattement et d’incompréhension s’ajoute à la révolte contre les grandes surfaces, les plates-formes de commandes en ligne, à qui le gouvernement n’applique pas les mêmes contraintes. « Les gens peuvent s’entasser dans les supermarchés et on nous demande de fermer alors que nous régulons parfaitement le passage de notre clientèle », soutient Alexandra Le Creff, patronne de la maroquinerie Barret.
Son magasin de 400 m2 a augmenté de 20 % son activité au cours des deux derniers mois. Tout le stock d’hiver est acheté. Cette fois, le doute s’installe. Mme Le Creff a pris ses produits en photo et utilise Instagram et les réseaux sociaux, sans illusion : « Internet, ce n’est pas l’avenir du petit commerce, notre métier c’est le conseil, l’accompagnement, le choix. Les clients aiment toucher, comparer, voir, chez nous ils sont en sécurité. Nous faisons du lien social et ça, ce n’est pas numérique ! »