La compagnie maritime CMA CGM jugée pour « homicide involontaire » après le suicide d’un commandant

La compagnie maritime CMA CGM jugée pour « homicide involontaire » après le suicide d’un commandant

Un navire de la compagnie maritime CMA CGM, à Singapour, le 11 octobre.

« Je n’ai plus d’avenir et cela m’est insupportable… alors je fais ce qu’ils espèrent tant… disparaître. » Juste après avoir rédigé ces derniers mots, Philippe Deruy, commandant de navire à la CMA CGM, se pend avec un câble électrique dans la cave de son appartement à Nice, le 14 février 2011. Le lendemain, un tract syndical reproduit le message testamentaire adressé à « ses rares soutiens de la CMA », un réquisitoire contre le troisième armement mondial « qui traite les gens comme du bétail », écrit-il.

Un texte plein de rage dans lequel Philippe Deruy, 47 ans, dénonce alors le sort qui lui a été réservé après la collision d’un navire qu’il commandait : un débarquement à Suez, une « placardisation » dans un poste à terre, selon lui des sanctions qui ne disent pas leur nom. Menacé un temps de licenciement pour une faute qu’il n’avait pas commise, privé d’une procédure disciplinaire qui lui aurait permis de se défendre et d’une rencontre avec Jacques Saadé, le PDG décrit comme « Dieu le père »… Ce sont quarante-neuf jours d’une descente aux enfers qui ont laminé cet homme robuste, « dur avec les autres, dur avec lui-même ».

Devant le tribunal correctionnel de Marseille qui juge, lundi 9 novembre, la société CMA CGM pour « homicide involontaire », va résonner l’écho de la vague d’émotion qui s’était levée sur toutes les mers du globe, à l’annonce de son suicide. Depuis les navires de la CMA CGM, les messages avaient afflué au siège de la compagnie, à Marseille. Pavillon français en berne sur le Puccini. « Tristesse et rage » à bord du Rossini. « Gifle glacée » pour l’équipage de la Traviata… La colère avait parlé aussi pour dénoncer « ce système qui broie les gens ».

Ni blessé ni pollution

Le Havre, 23 décembre 2010. Le navire la Pérouse, le dernier et plus grand bâtiment de la flotte de la CMA CGM que Philippe Deruy était allé sortir des chantiers navals en Corée, appareille pour Hambourg. Après avoir vérifié que tout est clair, le commandant descend dans sa cabine préparer l’arrivée dans le port de l’Elbe. A la barre, un jeune lieutenant n’anticipe pas la manœuvre pour dépasser un petit caboteur, le Thèbe. La collision ne fait ni blessé ni pollution. Juste 30 tonnes d’acier à remplacer sur le la Pérouse. Coût pour la compagnie : 720 000 euros.

Très vite, l’enquête interne, celle du bureau Enquête Accident Mer, exonère Philippe Deruy de toute responsabilité. Le jeune lieutenant, lui, reconnaît sa faute et, dans ce monde impitoyable qu’est la mer, sait qu’il n’a plus d’avenir dans la compagnie. Sur un papier, il griffonne une demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail.

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LJD

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