A nous tous d’humaniser les algorithmes
Le livre. La crise du Covid-19 a montré à quel point chauffeurs VTC et livreurs sont exposés aux risques et peu protégés par la loi, sur les plans sanitaire, économique et social. Ils ne sont pas salariés et n’ont donc pas de droit de retrait, ils ne bénéficient pas non plus des actions de prévention et de protection de la santé que les employeurs sont légalement tenus de mener.
Ils sont aussi très exposés et très peu protégés face au risque économique. « Le paradoxe des plates-formes d’emploi est de mettre un outil novateur et puissant – l’algorithme – au service d’une stratégie économique classique dont la clé est trop souvent la compression des coûts, l’externalisation de la main-d’œuvre et celle des infrastructures », lit-on dans Désubériser, reprendre contrôle (Editions du Faubourg), un ouvrage collectif réalisé sous la direction du philosophe de formation et conservateur à la BNF Florian Forestier.
Dans un monde saturé d’objets connectés, notre premier réflexe pour faire face à tout besoin est d’activer le service correspondant sur un téléphone portable : les applications numériques concernent toutes nos activités au quotidien, mais aussi le travail. L’impact de ce changement est très différencié.
Si la plupart des plates-formes n’ont sur le travail qu’une incidence indirecte, il est en revanche bouleversé par les services numériques de livraison, de transport, de microtravail, d’échange de petits boulots, de recherche de free-lances. « Leur point commun est d’être des plates-formes d’emploi : le travail est au cœur du service qu’elles fournissent. Ce sont ces dernières qui font l’objet de ce livre. »
Réputation et visibilité
Ces plates-formes peuvent-elles s’affranchir des règles de concurrence et des règles sociales auxquelles les acteurs traditionnels du marché du travail sont soumis ? L’ouvrage prend aussi la mesure des transformations que les algorithmes engendrent en matière de gouvernance et d’organisation du travail. « Elles [les plates-formes] amènent à réinterroger des notions aussi essentielles que la relation à l’employeur, la responsabilité, la protection, la rémunération, etc. Car au-delà de la question du statut de ces travailleurs (salarié ou indépendant), se posent celles des nouvelles formes de subordination et de contraintes auxquelles ils sont exposés. »
Dans le monde de la gouvernance algorithmique, que l’on soit livreur, développeur, coach ou chauffeur, on est soumis au diktat de la réputation et de la visibilité. L’algorithme est en charge, ce qui relevait jusqu’alors de l’autorité hiérarchique ou de la relation contractuelle. « Ces modalités de management inédites, si patentes sur les plates-formes, s’étendent peu à peu à tout le monde du travail : les entreprises se disent “libérées” tout en se laissant gagner, elles aussi, par le management algorithmique. »
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