A Belfort, des syndicats de General Electric à la manœuvre pour redessiner l’industrie
La hantise d’un syndicat de salariés, c’est l’absence d’effet de surprise. « Notre action est parfois si prévisible que la direction l’intègre dans sa stratégie », s’agace Philippe Petitcolin (CFE-CGC), chef de file de l’intersyndicale chez General Electric (GE) à Belfort. Après l’annonce, fin mai 2019, d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec la suppression, revue depuis à la baisse, de 792 postes dans le secteur des turbines à gaz, « elle était persuadée que tout le site se mettrait en grève. Elle a anticipé en budgétisant les pénalités à verser aux clients, mais on l’a prise à contre-pied en n’arrêtant pas la production. Cela ne l’a pas empêché d’imputer les retards de livraison, qui préexistaient au plan social, à une grève qui n’a pas eu lieu ».
Samedi 24 octobre, La CFE-CGC, SUD Industrie, Force ouvrière et la CFDT (pas la CGT) ont une nouvelle fois appelé à manifester à Belfort afin de redire « non » au démantèlement du site de GE et, plus largement, à la désindustrialisation du Nord Franche-Comté. Un millier de personnes seulement sont descendues dans la rue contre 5 000 en juin 2019, peu après le choc du PSE.
Une piste avec Safran
« Il nous faut imaginer de nouveaux modes d’action syndicale, plaide M. Petitcolin. Ceux, traditionnels, prévus par la loi ne permettent pas d’obtenir des leviers de négociation. Faire grève est stupide car cela revient à donner de l’argent au patron. Il faut créer le buzz. » Une idée fait son chemin : solliciter des personnalités publiques de premier plan pour des actions « coups de poing ». Alexis Sesmat (SUD) appuie : « GE tient farouchement à son image. Ses dirigeants n’apprécient pas du tout que nous, élus syndicaux, ébruitions les conditions dans lesquelles se déroulent la restructuration et les licenciements, mais c’est indispensable pour instaurer un rapport de force. A défaut, on se fait écraser. »
Plus fondamentalement, c’est le sens même du syndicalisme que la CFE-CGC et SUD veulent infléchir. « On a longtemps été cantonnés au rôle de contestataires réagissant à des plans sociaux ; désormais, on veut être des acteurs économiques majeurs », revendiquent les deux syndicalistes. « Il est urgent d’inventer des filières industrielles dans le Nord Franche-Comté en dehors des grands groupes. » GE, Alstom, PSA… : « Tous sont en train de réduire leur empreinte. Ils ne sont plus pourvoyeurs, mais destructeurs d’emplois. »
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