« Pourquoi l’alignement entre l’entreprise et la société est-il si difficile à obtenir ? »
Tribune. J’appartiens à une génération née au début des années 1980, qui a grandi avec l’impératif de réconcilier l’entreprise et la société, le business et l’environnement, le salarié et le citoyen, mais qui n’a aussi cessé de vivre, malgré une somme de petits pas, la difficulté de cet alignement dans la vraie vie.
En témoignent le flux et le reflux, l’espoir puis la déception, autour de l’émergence de la notion de développement durable (dans les années 1980) puis de celle de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE, années 2000), puis la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) de 2001, le pacte pour la planète, de Nicolas Hulot (2007).
Autant d’avatars d’une transformation sociale plusieurs fois souhaitée, qui s’est trop souvent limitée à l’évolution du cadre réglementaire, à la normalisation de pratiques sectorielles comme l’investissement socialement responsable (ISR) ou les critères « environnement, social, gouvernance » (ESG) dans la finance, et à un verdissement des intentions portées sur la place publique.
Contrainte externe
La création du statut d’entreprise à mission par la loi Pacte [Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises] du 22 mai 2019 a cristallisé le même élan et le même espoir. Mais force est de constater que plus d’un an après et malgré quelques exemples, la vague d’adoption de l’entreprise à mission n’a pas encore eu lieu. Le contexte de crise sanitaire, lui-même précédé par une crise sociale et l’éveil de la vigilance écologique, aurait pu constituer un aiguillon ; mais la multiplicité des initiatives récentes, publiques et privées, autour de la RSE a considérablement brouillé et dilué le message.
Finalement, pourquoi cet alignement entre l’entreprise et la société est-il si difficile à obtenir ? Certainement parce qu’aucune de ces évolutions, positives en soi, n’a atteint directement le cœur du réacteur, à savoir la pratique effective de la gouvernance.
L’entreprise à mission a ouvert une brèche conceptuelle dans l’évidence de la société anonyme, mais elle amende plus le formalisme juridique de la gouvernance qu’elle n’en transforme sa vie réelle
Le développement durable et la RSE ont davantage agi comme une contrainte externe, et ont vu leur place dans l’agenda stratégique fluctuer au gré des crises économiques et des impératifs de rétablissement des marges. L’entreprise à mission a ouvert une vraie brèche conceptuelle dans l’évidence de la société anonyme, mais elle amende aujourd’hui plus le formalisme juridique de la gouvernance qu’elle n’en transforme sa vie réelle.
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