Pourquoi est-il difficile de comparer les salaires des infirmiers français à ceux d’autres pays

Pourquoi est-il difficile de comparer les salaires des infirmiers français à ceux d’autres pays

Alors que s’est ouvert, lundi 25 mai, le « Ségur de la santé », plusieurs voix appellent à une revalorisation des salaires du personnel de santé, en première ligne de la lutte contre la pandémie de Covid-19, arguant d’une disparité avec d’autres pays qui mettrait la France en queue de classement.

Dans Le Journal du dimanche, le ministre de la santé, Olivier Véran, a affirmé que le salaire des soignants devra « rapidement » atteindre un « niveau de rémunération correspondant au moins à la moyenne européenne ». La cause d’une augmentation salariale semble légitime, mais comparer les rémunérations des infirmiers et aides-soignants relève d’un exercice délicat, tant les paramètres diffèrent d’un pays à l’autre.

Selon le classement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le salaire des infirmières et infirmiers hospitaliers français arrive à la 23e place sur 33 si l’on tient compte du coût de la vie, avec « 42 400 dollars brut annuels » (incluant cotisations sociales et impôt sur le revenu), soit environ 3 250 euros brut par mois, en 2015 – la période de collecte des données s’étale de 2013 à 2017 et varie selon les pays.

Premier problème, l’écart entre les années de référence : 2013 était encore pour certains pays, en Lettonie par exemple, une année d’austérité, ce qui a changé depuis… alors que, à l’inverse, en 2017, les agents de la fonction publique hospitalière française ont bénéficié d’une revalorisation du point d’indice, ce qui n’est pas répercuté dans la mesure de 2015 retenue pour la France.

Deuxième écueil, on remarque que les salaires bruts sont difficilement comparables, évoluant entre un taux d’imposition moyen de 7 % au Chili et de 53 % en Belgique. Ainsi, en France, une fois les cotisations sociales déduites, un infirmier en soins généraux touche, en entrée de carrière, 1 827,55 euros brut, hors primes, selon les derniers chiffres du site emploi des collectivités territoriales.

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Disparités non prises en compte

Mais l’organisation, qui fait précéder son classement d’une méthodologie détaillée, expose d’autres nuances sur l’utilisation de ces données :

  • Selon le lieu d’exercice :

Dans la plupart des pays, précise l’OCDE, les statistiques se rapportent uniquement au personnel infirmier exerçant dans les hôpitaux ; au Canada, toutefois, ces données couvrent également les infirmiers exerçant dans d’autres structures, dont des structures privées (en raison du manque de personnel, les infirmiers canadiens font, par ailleurs, beaucoup d’heures supplémentaires).

  • Selon la qualification :

Les données portent uniquement sur le personnel infirmier « de niveau supérieur » au Canada, au Chili, en Irlande, aux Etats-Unis… où il existe des « infirmiers praticiens », réalisant des soins d’un niveau équivalent à ceux des médecins généralistes pour des patients atteints de problèmes de santé mineurs et des patients nécessitant un suivi de routine. Dès lors, ne prendre que cet échantillon amène à surestimer les niveaux de rémunération par rapport aux pays où les infirmiers « de niveau intermédiaire » sont également pris en compte, reconnaît l’organisation internationale.

A l’inverse, les données néo-zélandaises recouvrent tous les infirmiers, certifiés ou pas, et les aides-soignants dont la rémunération est sensiblement inférieure, ce qui diminue mécaniquement le revenu moyen de l’ensemble.

  • Selon la durée de temps de travail :

Les données ne portent que sur le personnel infirmier travaillant à plein-temps, à l’exception de la Belgique, où les données fournies prennent aussi en compte les temps partiels, ce qui donne lieu à une sous-estimation du salaire infirmier belge.

Même risque pour certains pays comme l’Italie, dont les données nationales récupérées par l’OCDE ne tiennent pas compte des revenus liés aux heures supplémentaires ou aux primes. Enfin, aucun pays ne fournit de données sur les paiements informels qui, note l’organisation, « dans certains cas, peuvent représenter une part non négligeable du revenu total ».

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LJD

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