A Creil, dans les trains bondés : « J’ai peur de tomber malade, mais je n’ai pas d’autre choix que d’aller travailler »
Dans l’un des innombrables cercles tracés au sol de la gare de Creil (Oise), Matty Kourroma patiente avec discipline avant l’arrivée du TER de 6 h 30 qui l’emmènera vers Paris. L’agente d’entretien n’a jamais cessé de travailler depuis le début du confinement. Aujourd’hui, c’est avec crainte qu’elle observe les centaines de voyageurs affluer sur le quai. « Je dois faire attention car j’ai des enfants à la maison. J’ai peur de tomber malade, mais je n’ai pas d’autre choix que d’aller travailler pour eux », confie-t-elle en esquissant un sourire.
Le train approche. Le haut-parleur avertit : « Ceci est un train court. » Les places sont limitées. La foule inonde le quai. Les usagers qui tentaient tant bien que mal de respecter les distances de sécurité se retrouvent à jouer des coudes pour monter à bord. Tous partagent le même objectif : ne pas arriver en retard au travail. Les rames se remplissent jusqu’à être bondées et les trente minutes de trajet qui les séparent de Paris se feront souvent debout, collés les uns aux autres.
Chaque jour, près de 18 000 habitants de la commune font l’aller-retour pour la capitale. Jeddi Mongi, 56 ans, est agent d’entretien depuis six ans à la gare de Creil. Armé de son balai, il assiste au spectacle du déconfinement, amusé par les cafouillages d’organisation et la confusion des usagers. Il avoue être rassuré par la signalisation au sol pour garantir les mesures de distanciation sociale entre les voyageurs. « C’est pour notre sécurité et ça fait plaisir de revoir passer tant de monde », dit-il.
« Ça va être trop dur de revivre ça tous les jours »
Dans le hall principal, une immense file d’attente s’est dressée avant l’accès au guichet. Au milieu, Samba Ida a été surprise de l’affluence et des multiples contrôles qui ralentissent le fonctionnement de la gare. « Je n’étais pas au courant de la mise en place de ces mesures. Je pensais pouvoir partir comme tous les matins pour arriver à l’heure. » L’auxiliaire de vie creilloise a raté son premier train pour rejoindre l’établissement de santé du 14e arrondissement de Paris où elle s’apprête à enchaîner dix heures de travail, comme lors des semaines passées. « Il y a toujours eu du monde qui partait de Creil pour Paris, mais là on est aussi nombreux qu’avant le confinement. »
Aussitôt son billet de train en poche, elle se précipite vers les portes battantes pour accéder au quai. Elle se retrouve face à une dizaine d’agents SNCF qui aident les passagers et leur rappellent les documents à avoir sur eux. Pour le transport express régional (TER), en plus d’un titre de transport et de l’attestation employeur, un bon téléchargé sur Internet est obligatoire pour monter à bord. « L’idée est de pouvoir évaluer le nombre d’usagers pour adapter les trains mis à disposition au flux », explique l’une des contrôleuses SNCF. Rares sont ceux qui possèdent ce précieux sésame. Alors les agents sont sollicités de toute part et se penchent sur les téléphones des uns et des autres pour guider la démarche. « C’est les premiers jours, donc nous sommes compréhensifs. On fait de la pédagogie. »
Il vous reste 44.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.