Le douloureux effondrement du tourisme en Europe du Sud
Comme un air de déjà-vu. « Ou bien de cauchemar, cela dépend des jours : en ce moment, ce sont les montagnes russes émotionnelles », confie Bruno Gomes. Lorsqu’il observe les rues de Porto depuis sa fenêtre, cet entrepreneur a le sentiment de revoir sa ville telle qu’elle était il y a quinze ans, avant que le Portugal ne devienne une destination prisée : déserte. Triste.
« Tout est fermé depuis que la pandémie a plongé le pays dans l’état d’urgence, le 18 mars », raconte-t-il. En 2010, après avoir perdu son emploi, cet ancien designer graphique a lancé We Hate Tourism, une entreprise organisant des tours à Lisbonne et à Porto. A l’époque, le pays s’enfonçait dans la récession.
Depuis début mars, la totalité des réservations pour le printemps sont tombées à l’eau : sa structure de cinq salariés doit débourser plusieurs milliers d’euros pour rembourser les clients. Et ce, alors que la saison estivale s’annonce déjà compromise. « Tout est mort. Nous nous préparons à devoir repartir de zéro, encore, comme nous avions dû le faire après la crise de 2008, confie-t-il, avec ce mélange de détermination et de fatalisme propre aux Portugais. D’une certaine façon, nous avons l’habitude. Mais ça ne rend pas les choses plus faciles. »
Situation préoccupante
En Grèce, en Italie, en Espagne, comme au Portugal et dans toute la région, les mêmes inquiétudes s’expriment. Pour ne pas dire angoisses. Lundi 27 avril, les pays du sud de l’Europe ont tiré la sonnette d’alarme lors d’un Conseil européen informel consacré au sujet.
Ils réclament un « fort soutien » au tourisme, et qu’une partie des mesures de relance envisagées par les Etats membres, sur lesquelles planche Bruxelles, soient consacrées au secteur. De son côté, le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, plaide pour l’instauration d’un « plan Marshall » en faveur du tourisme, en référence au programme de reconstruction du Vieux Continent après la seconde guerre mondiale.
C’est dire si la situation est préoccupante : parmi les secteurs affectés par la pandémie de Covid-19 et l’arrêt partiel de l’activité, le tourisme est frappé de plein fouet.
Selon la Commission européenne, les pertes de revenus devraient grimper à 50 % pour les hôtels-restaurants en 2020, à 70 % pour les agences de voyage, et à 90 % pour les compagnies aériennes et les croisiéristes. Sur le seul mois de mars, estime les économistes d’UBS, les recettes se sont déjà effondrées de 68 % en Europe, qui pèse la moitié du marché mondial du tourisme. En particulier en Italie (– 95,6 %), en Espagne (– 77 %), en Grèce et au Portugal (– 70 %).
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