Boeing 737 MAX : « C’est un vrai “dieselgate” de l’industrie aéronautique que l’on découvre »

Boeing 737 MAX : « C’est un vrai “dieselgate” de l’industrie aéronautique que l’on découvre »

« En 2018, un superviseur de l’usine de Renton (Washington) voulait arrêter les cadences de production qui créaient un problème de sécurité : cette requête a été refusée » (Photo: sur les lieux du crash du Boeing de l’Ethiopian Airlines, le 11 mars 2019).
« En 2018, un superviseur de l’usine de Renton (Washington) voulait arrêter les cadences de production qui créaient un problème de sécurité : cette requête a été refusée » (Photo: sur les lieux du crash du Boeing de l’Ethiopian Airlines, le 11 mars 2019). Mulugeta Ayene / AP

Tribune. A la lecture du rapport préliminaire de la commission des transports du Congrès américain sur le Boeing 737 MAX, publié le 6 mars, mais passé inaperçu pour cause de coronavirus, c’est un vrai « dieselgate » de l’industrie aéronautique que l’on découvre. On se demande comment Boeing a pu affirmer si longtemps que ses avions défectueux voleraient à nouveau rapidement. Car le bug à l’origine des deux crashs de la Lion Air (2018) et de Ethiopian Airlines (2019) n’est pas une cause, mais un aboutissement.

La commission d’enquête a reçu 600 000 pages de documents, a mené vingt auditions officielles et, une fois en action, a reçu nombre d’informations émanant de lanceurs d’alerte.

Pour le Congrès américain, la pression commerciale d’Airbus et de son A320 Neo a amené Boeing à couper dans les coûts tout en maintenant un planning démentiel pour mener son programme sans jamais ralentir la cadence, quels que soient les problèmes de production rencontrés en cours de route.

Il y a aussi eu des erreurs de jugement sur les technologies critiques pour la sécurité de ces avions désormais cloués au sol. On a peine à croire que Boeing a délibérément relié à un seul capteur le fameux système MCAS [le système automatique antidécrochage], à l’origine des crashs. C’est en effet le MCAS qui, dans certaines conditions, incline intempestivement le nez de l’avion. Boeing n’a pas voulu déclarer ce système comme étant un équipement « critique », pour éviter de perdre du temps en certification. Or, l’alerte de dysfonctionnement du MCAS ne fonctionnait pas sur la plupart des avions.

Conflit d’intérêt

Plus grave est le conflit d’intérêt, pourtant évident, des employés de Boeing… agissant comme délégués de la Federal Aviation Authority (FAA), le régulateur américain de l’aviation, pour effectuer en son nom le travail de certification.

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Il est pourtant évident que, sous la pression commerciale, ce type de délégation est voué à l’échec. Le rapport met en évidence qu’un de ces délégués avait décidé de ne pas insister sur la nouveauté du système MCAS afin d’éviter trop de certifications et de temps de formation sur simulateur de vol, pour permettre aux pilotes du 737 NG de voler directement sur le 737 MAX.

Pour le Congrès américain, la pression commerciale d’Airbus et de son A320 Neo a amené Boeing à couper dans les coûts tout en maintenant un planning démentiel pour mener son programme sans jamais ralentir la cadence

Et même lorsque ces régulateurs ont bien fait leur travail, la direction de la FAA a contredit leurs avis à plusieurs reprises, comme l’a constaté la commission. Au sein de la FAA elle-même, la communication était en effet déficiente entre bureaux pourtant responsables conjointement de la certification. Et la FAA n’a tout simplement pas correctement utilisé son pouvoir d’investigation, ne posant pas suffisamment de questions et en n’examinant pas en profondeur les réponses de Boeing.

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LJD

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