Pour la Cour de cassation, les chauffeurs d’Uber sont bien des salariés

Pour la Cour de cassation, les chauffeurs d’Uber sont bien des salariés

Blocage du périphérique parisien à l’appel de l’association des VTC de France, le 25 janvier 2019.
Blocage du périphérique parisien à l’appel de l’association des VTC de France, le 25 janvier 2019. ALEXIS SCIARD / IP3 PRESS / MAXPPP

Un coup de tonnerre s’est abattu, mercredi 4 mars, sur Uber, le géant américain des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), huit ans après ses débuts en France. La Cour de cassation a, pour la première fois, décidé de requalifier en contrat de travail la relation contractuelle entre Uber et l’un de ses chauffeurs. Cela est susceptible de remettre en cause, non seulement le modèle économique de cette plate-forme, mais aussi l’ensemble des start-up collaboratives qu’elle a inspirées ces dernières années.

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Saisie en 2017 par l’un des chauffeurs de la société, la justice, par la voix de sa plus haute juridiction, reconnaît que ce dernier n’est pas, dans les faits, un autoentrepreneur, mais un salarié. Dès lors, son sort relève, non pas de la justice commerciale, comme Uber le défendait, mais de la justice sociale.

« Lors de la connexion » à la plate-forme, il existe « un lien de subordination entre le chauffeur et la société », peut-on lire dans une note explicative de la Cour de cassation, également rédigée en espagnol et en anglais, signe qu’elle revêt une portée dépassant le simple cadre de l’Hexagone. Cet arrêt est « important, car il s’agit d’Uber, dont le modèle a été copié par toutes les plates-formes », se félicite Fabien Masson, l’avocat du chauffeur, qui se dit « fier d’avoir contribué à cette décision de principe ».

Un premier coup de semonce avait été envoyé avec l’arrêt de la Cour de cassation daté du 28 novembre 2018 requalifiant en contrat de travail la relation entre un livreur à vélo et la plate-forme de livraison de repas Take Eat Easy, liquidée en août 2016. A l’époque, la juridiction avait estimé que l’utilisation de la géolocalisation des autoentrepreneurs et le recours à un système de sanction envers les livreurs étaient des critères suffisants pour attester un lien de subordination.

« Lien de subordination »

Actuellement, une centaine de dossiers de demandes de requalification en salariés émanant de chauffeurs Uber se trouvent entre les mains de l’avocat Jean-Paul Teissonnière. « L’avantage de cette décision de la Cour de cassation est qu’elle constitue désormais une référence pour la plupart des cas. Elle clôt le débat juridique », estime Me Teissonnière. Les juges ont certes examiné « un cas particulier, mais on y retrouve tous les critères » qui qualifient le salariat, observe-t-il. Et d’ajouter : ceux-ci « recouvrent exactement les dossiers que nous avons ».

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Dans son arrêt, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 10 janvier 2019. Cette dernière considérait qu’« un faisceau suffisant d’indices se [trouvait] réuni pour permettre (…) de caractériser le lien de subordination », un facteur déterminant pour qualifier un travailleur de salarié. Ainsi, « le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport, analyse la note de la Cour de cassation. L’itinéraire lui est imposé par la société et, s’il ne le suit pas, des corrections tarifaires sont appliquées. La destination n’est pas connue du chauffeur, révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient. »

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LJD

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