« Qui travaillera demain ? » Les jeunes ou les seniors ?
Serge Guérin
Un projet partagé pour éviter l’affrontement
Tribune. L’affrontement entre jeunes et seniors n’est pas écrit. Tout dépendra si nous laissons la société française continuer de se fragmenter ou si nous inventons un projet partagé fondé sur l’accompagnement et la réciprocité. La France fait face à certaines spécificités au regard de ses voisins : faible valorisation des services, chômage de masse structurel, retard en matière de robotisation, démographie tonique qui entraîne l’arrivée chaque année sur le marché du travail de beaucoup de jeunes, image très dégradée des seniors…
Depuis les années 1970, toutes les études montrent qu’en matière d’insertion professionnelle, la ligne de fracture concerne le niveau et, surtout, la valeur du diplôme. A l’avenir, le besoin de compétences va continuer de s’élever. Les jeunes sont réputés plus aptes à l’innovation, plus adaptables, plus modernes que leurs aînés ?
Le besoin des entreprises devrait être croissant pour des personnes, de tous les âges, disposant de savoir-être
Sauf qu’aucune étude n’est venue conforter ces représentations. Au contraire ! L’expérience, le relationnel, la capacité de recul sont des caractéristiques associées à la prise d’âge qui peuvent contribuer à l’efficience au travail. Et puis, y aura-t-il suffisamment de personnes compétentes pour faire l’économie du savoir-faire et de l’expérience des seniors ?
La société qui vient sera à la fois plus complexe, plus performante, plus exigeante… Aussi, le besoin des entreprises devrait être croissant pour des personnes, de tous les âges, disposant de savoir-être, formés aux soft skills [« qualités relationnelles »], sensibles à la préservation de l’écosystème, sachant apprendre des uns et transmettre aux autres, capables d’accompagner les âgés, les fragiles, les non-qualifiés…
C’est, en particulier, les métiers de la santé et du « prendre soin », des services à la personne, de l’accompagnement social, de la protection, de l’enseignement et de l’éducation qui vont être le plus en tension pour attirer ce type de qualité humaine.
Disposer d’un minimum d’expérience, de capacité d’empathie et de discernement sera plutôt un avantage pour s’acquitter de telles missions. Ce n’est donc pas l’âge qui fera la différence mais la personnalité.
Serge Guérin est professeur de sociologie à l’Inseec SBE. Il est notamment l’auteur de « Les Quincados » (Calmann-Lévy, 2019) et coauteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? » (Calmann-Lévy, 2017)