« Qui travaillera demain ? », une conférence du « Monde », le 6 février, à Paris
Qui travaillera demain ? Les robots ou les humains ? Les jeunes ou les seniors ? Les tenants d’une économie responsable fondée sur la coopération, ou les partisans d’une compétition libérale effrénée ? Au fil des ans, de nombreuses études tentent de dessiner, chiffres à l’appui, l’avenir du travail.
Parmi les plus récentes et robustes, celle de l’OCDE indique que, en raison des profondes mutations technologiques, 14 % des postes actuels vont disparaître dans les quinze à vingt prochaines années, et 32 % supplémentaires connaîtront de profondes transformations. Inquiétant, mais moins que les données avancées par deux chercheurs d’Oxford, en 2013, selon lesquelles 47 % des emplois américains allaient être décimés…
Une tendance lourde est en revanche indéniable : avec les progrès de l’automatisation, une forte polarisation est déjà à l’œuvre, qui creuse chaque jour davantage le fossé entre des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés et des postes peu qualifiés, mal payés et précarisés. Autre certitude : le vieillissement de la population.
Dérégulation massive du cadre juridique
D’après les Nations unies, d’ici à 2050, une personne sur six dans le monde aura plus de 65 ans, contre une sur onze en 2019. Une situation d’autant plus inquiétante qu’en France, par exemple, « dès 45 ans, il est compliqué de rester en emploi. Et, après 50 ans, on n’a guère de chance de retrouver un job stable ou de continuer à se former », relève Serge Guérin, sociologue, spécialiste des questions liées au vieillissement.
L’avenir et les contours du travail dépendent de la façon dont les Etats vont aborder plusieurs grands enjeux. « Va-t-on réussir à réguler les entreprises transnationales qui ont constitué en trois décennies des chaînes de production mondiales ?, s’interroge notamment Isabelle Berrebi-Hoffmann, sociologue, chercheuse au CNRS.
Un petit nombre d’acteurs, les Gafam et certaines plates-formes numériques, se jouent des droits nationaux et sont à l’origine d’une dérégulation massive du cadre juridique occidental de l’emploi. Pour parer à cela, en 2015, est lancée la première plate-forme transnationale de défense des crowdworkers, les petites mains d’Internet. Mais ce n’est là que le début de l’histoire.
« Une phase de tous les possibles »
Autre challenge majeur, la question écologique. « Allons-nous la considérer comme la priorité absolue et engager nos sociétés dans la bifurcation radicale qu’elle exige ? Si nous le faisons, les transformations sur le marché du travail pourraient être massives, explique Dominique Méda, sociologue, professeure à Paris-Dauphine et titulaire de la chaire « Reconversion écologique, travail, emploi » de la Fondation Maison des sciences de l’homme. Il faut changer nos modes de production et de consommation et substituer au fétichisme du PIB le fétichisme de l’empreinte carbone individuelle et collective. D’après les travaux dont on dispose, c’est créateur d’emplois. »