Prévention du suicide : « Solitude, qualité de travail “empêchée”, surengagement, surcharge mentale sont au nombre des facteurs de risques suicidaires »

Prévention du suicide : « Solitude, qualité de travail “empêchée”, surengagement, surcharge mentale sont au nombre des facteurs de risques suicidaires »

« Il est de la responsabilité du DRH de s’opposer aux décisions qui ne prennent pas suffisamment en compte l’être humain derrière le salarié. »
« Il est de la responsabilité du DRH de s’opposer aux décisions qui ne prennent pas suffisamment en compte l’être humain derrière le salarié. » PhotoStock-Israel/Cultura / Photononstop

Carnet de bureau. La France compte entre 10 000 et 11 000 suicides par an depuis dix ans. Combien d’entre eux sont-ils liés au travail ? Le quatrième rapport de l’Observatoire national du suicide, à paraître prochainement, ne l’indique pas, « parce que c’est impossible, explique Christian Baudelot, sociologue et coauteur du rapport avec le psychiatre Michel Debout. Il y a un blocage énorme des entreprises pour en parler. Les directions se refusent toujours à comptabiliser et à communiquer sur les suicides. Alors même qu’elles sont soumises à des transformations radicales ».

Les drames des dix dernières années (Technocentre Renault, France Télécom, La Poste) n’ont pas suffi à briser le tabou. L’intérêt du rapport de l’Observatoire national du suicide est de parler et de faire parler de ce phénomène multifactoriel en réaffirmant son lien avec les conditions de travail. Solitude, qualité de travail « empêchée », surengagement, surcharge mentale, sont au nombre des facteurs de risques suicidaires. La politique de prévention est au nombre des solutions.

« France Télécom nous a beaucoup appris. Le concours des psychiatres, des psychologues et des syndicalistes a permis de mieux appréhender le sujet, estime M. Baudelot. Ce sont les travailleurs les plus impliqués et les plus attachés à l’éthique de leur travail qui se suicident. Et le suicide est d’autant plus fréquent, qu’il y a une perte des liens sociaux. Or, le management rend les salariés de plus en plus seuls, avec l’injonction de s’investir toujours davantage. Mais la situation n’est pas irrémédiable. La direction et le management de France Télécom ont changé et l’entreprise n’a pas coulé. »

De nombreux obstacles

La prévention des risques dits psychosociaux (RPS) est un problème. Les entreprises ne savent ni anticiper ni la suivre dans la durée, affirment Michel Debout et Jean-Claude Delgènes dans leur essai Suicide. Un cri silencieux. Mieux comprendre pour mieux prévenir (Le Cavalier bleu). Le psychiatre et le directeur général du cabinet Technologia spécialiste des RPS décodent un certain nombre d’idées reçues (Non ! Le suicide n’est pas héréditaire) et montrent en quoi le rôle du DRH est primordial. Le plus souvent, le changement d’organisation du travail n’est ni concerté ni participatif. Il est de la responsabilité du DRH de s’opposer aux décisions qui ne prennent pas suffisamment en compte l’être humain derrière le salarié.

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Les obstacles à la prévention sont nombreux : la difficulté à parler le même langage entre psychologue et manageur pour élaborer des sorties de crise, la méfiance des dirigeants à l’égard des sciences humaines, le respect du secret médical. C’est une fois la tragédie survenue, donc trop tard, que l’entreprise met en place des espaces d’écoute ou de médiation, pour traiter les risques suicidaires au cas par cas. « Au moment du drame, tous les acteurs se mobilisent, préoccupés par les conséquences juridiques et par l’image de l’entreprise. Des projets de prévention voient le jour. Mais avec le temps et le turnover des DRH et des leaders syndicaux, toute cette réflexion se perd », témoigne M. Delgènes.

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LJD

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