Un autre monde social émerge
Le Livre. Des salariés en souffrance réclament un meilleur pouvoir d’achat à des employeurs inquiets, les yeux rivés sur leurs carnets de commandes. Des indicateurs sociaux moroses traduisent inquiétude et frustration. A qui la faute ? Au patronat, jugé rétrograde et malveillant ? Aux syndicats, inutiles et bureaucratiques ? Aux hommes politiques velléitaires, cédant devant les puissants ? Dans L’Age de la négociation collective, Christian Thunderoz s’épargne d’accuser quiconque. Ce ne sont pas des coupables, mais une logique mortifère que montre du doigt le sociologue.
Ceux d’en haut ne veulent plus gouverner les hommes comme des choses ou des numéros ; et ceux d’en bas ne peuvent plus se conduire comme ils en ont pris l’habitude, tranche le directeur du programme Négo Lab, à l’Essec-Irené. « Comprendre cette double impossibilité, en tirer les leçons, et imaginer les scénarios d’avenir : telle est l’ambition de ce livre. »
L’assertion, reconnaît l’auteur, peut faire sourire : les dirigeants souhaitent-ils vraiment gouverner autrement les entreprises qu’ils dirigent ? Et les syndicalistes souhaitent-ils vraiment modifier des comportements que leurs mandants semblent approuver ? Oui, car ils sont tous les deux dans l’impasse, assure le codirecteur de la revue Négociations : le management est à la peine, confronté à des défis inédits de mise au travail d’individus exigeant d’être associés dans l’entreprise aux décisions les concernant. Quant au syndicalisme, il recherche un nouveau souffle et de nouvelles pratiques militantes.
Emergence, en France, d’un autre monde social
Dans une première partie, l’ouvrage propose une analyse, historique et sociologique, de la négociation collective, et principalement la négociation dans l’entreprise. La négociation collective est peu un objet d’attention, ni académique ni journalistique. Pourtant, des structures d’appui existent – Réalités du dialogue social, Dialogue, Appui aux relations sociales (Areso), Format dialogue, etc. – et elles ne demandent qu’à servir, mais elles sont peu mobilisées.
Le livre s’efforce ensuite au pragmatisme : si les forces vives veulent apprendre à se confronter sans s’affronter, il s’agit non seulement de repenser l’idée même de négociation collective, mais aussi de refonder notre système de relations sociales sur d’autres principes. Plusieurs propositions sont formulées, de la création d’un institut du dialogue social à la mise en place de formations conjointes communes rassemblant syndicalistes et employeurs des mêmes entreprises, en passant par la création des réseaux d’appui à la négociation collective (RANC) inspirés des réseaux de santé et qui regrouperaient des inspecteurs du travail, des chargés de mission de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), des médiateurs, des conseillers en relations sociales, des universitaires.