Pas de coup de pouce du gouvernement en faveur du smic
Même si la décision était attendue, la date et la méthode retenues pour l’annonce ne sont guère appréciées par les syndicats. Dans un entretien au Parisien daté du mardi 17 décembre, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, indique qu’en 2020 aucun coup de pouce ne sera donné au smic, celui-ci ne devant progresser qu’en fonction des règles de revalorisation automatique auxquelles il est assujetti. Il s’accroîtra de 1,2 % au 1er janvier 2020, pour atteindre 1 219 euros net par mois si la personne travaille à temps plein. Soit une hausse mensuelle de 15 euros, qui n’est donc assortie d’aucun « bonus ». L’absence d’un tel geste de la part de l’exécutif en faveur des personnes payées au salaire minimum « peut alimenter un peu plus les manifestations [de mardi] contre la réforme des retraites », commente Karen Gournay, secrétaire confédérale chez Force ouvrière.
Les propos de Mme Pénicaud ne constituent nullement une surprise. Son arbitrage va, en effet, dans le sens des recommandations formulées, il y a quelques jours, par une commission d’experts, présidée par l’économiste Gilbert Cette. Chaque année, cette instance rend un rapport pour éclairer le gouvernement dans ses choix.
Les textes prévoient que le smic doit être augmenté, tous les douze mois, en fonction de deux paramètres : l’inflation (mesurée pour les 20 % de ménages situés en bas de l’échelle des revenus), et la moitié de la hausse annuelle du pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et des employés. Outre cette évolution, qui est de droit, le pouvoir en place a donc également la faculté d’octroyer un « supplément ». Mais la dernière fois qu’une telle décision a été prise, c’était au tout début du quinquennat de François Hollande.
« Impact limité »
Les arguments mis en avant par la commission d’experts sont, grosso modo, les mêmes que ceux des années précédentes. D’abord, « le revenu disponible au salaire minimum en France en 2019 » est relativement important (c’est le plus élevé dans les pays occidentaux). En outre, l’instance présidée par Gilbert Cette souligne que la revalorisation du salaire minimum a « un impact limité » si l’on cherche à améliorer le sort des familles démunies. Pour réduire le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté (1 050 euros par mois en 2018, pour un individu seul), il vaut mieux, selon le comité d’experts, relever la prime d’activité. C’est, du reste, ce qu’avait fait le gouvernement, fin 2018, pour répondre au mouvement des « gilets jaunes ». Selon la ministre du travail, cette mesure, ajoutée à d’autres, débouchera sur un surcroît de ressources de « près de 2 000 euros » par an en 2020 (comparé à 2017), pour une personne rétribuée au smic.
Mais il n’est pas certain que cette amélioration soit saluée par les organisations de salariés. Les arbitrages de Mme Pénicaud ont été dévoilés par voie de presse, quelques heures avant la réunion de la Commission nationale de la négociation collective consacrée à la revalorisation du smic, qui devait se tenir mardi, en présence des partenaires sociaux. L’initiative de la ministre, même si elle est synonyme de confirmation, froisse des dirigeants syndicaux : « En gros, on se fout de notre avis », se désole Gilles Lecuelle (CFE-CGC). « Tout se passe comme si les instances dans lesquelles nous siégeons servaient de cellule d’enregistrement », renchérit Mme Gournay.