Les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon risquent de déguster
Comme chaque année depuis onze ans, près de 20 000 personnes ont visité, ce samedi 7 décembre, le port ostréicole d’Andernos-les-Bains (Gironde) à l’occasion de l’événement Cabanes en fête. Une grande dégustation géante (25 000 douzaines d’huîtres, 15 000 bouteilles) organisée par les professionnels. Pourtant, à 25 kilomètres de là, de l’autre côté du bassin d’Arcachon, l’heure n’était pas à la fête pour Géraldine et Fabrice Vigier, et leur cabane de dégustation Le Routioutiou, à Gujan-Mestras.
Le 25 novembre, le couple comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour exercice illégal d’un commerce, travail dissimulé et pêche au filet sans permis. Une affaire qui provoque de sacrés remous dans le bassin. Il faut dire que l’ostréiculture, chez les Vigier, est une tradition familiale depuis 1846. Et surtout, le couple compte parmi les précurseurs qui ont décidé, il y a une vingtaine d’années, d’expérimenter la dégustation d’huîtres.
Action assimilée à du braconnage
Depuis, le succès ne s’est jamais démenti : un tiers des entreprises du bassin pratiquent la dégustation, soit 86 producteurs sur 280 exploitations actives. Les huîtres sont accompagnées de crevettes, bulots, pâtés, le tout arrosé d’un vin blanc du coin.
« Ça a vraiment pris de l’ampleur depuis une dizaine d’années, confirme Romain, 30 ans, ostréiculteur, qui a repris l’activité familiale sur la presqu’île du Cap-Ferret et préfère rester anonyme. Ce que les gens aiment avec les cabanes, c’est que ce n’est pas prise de tête, ils viennent là pour être tranquilles, posés au bord de l’eau. »
« A 8 h 30 du matin, on sonne à notre porte. On nous signifie que c’est un contrôle du Codaf. C’est d’une rare violence, avec toutes les autorités compétentes possibles. » Géraldine Vigier, ostréicultrice
Victime de son succès, Le Routioutiou doit s’agrandir en 2016. Mais, à l’été 2017, tout bascule. Fabrice Vigier se rend dans son parc à huîtres et y pêche « vingt bars et trente mules », selon son épouse. Si elle précise qu’en « aucun cas il ne voulait les vendre », cette action peut être assimilée à du braconnage. Le lendemain, à 8 h 30, on vient sonner à leur porte. « On nous signifie que c’est un contrôle du Codaf [comité opérationnel départemental anti-fraude]. C’est d’une rare violence, avec toutes les autorités compétentes possibles. »
S’ensuivent deux années et demie d’enquête au terme desquelles l’Urssaf estime que l’activité du Routioutiou relève plus du commerce et de la restauration que de l’ostréiculture, et considère donc qu’elle doit être affiliée à son régime : 300 000 euros sont réclamés aux propriétaires. Géraldine Vigier assure n’avoir, comme tous ses collègues, jamais cotisé à l’Urssaf. La situation des cabanes est aussi floue que complexe.