Le Portugal, terre de délocalisation des banques françaises
L’imposante galerie commerciale de Colombo, où le tout Lisbonne se presse pour les courses de Noël, est surplombée par deux tours aux couleurs de BNP Paribas. Au cours de ces dernières années, la banque française a grignoté progressivement la plupart des étages : une enfilade d’espaces de travail ouverts, où plusieurs centaines de jeunes Portugais exécutent toute une palette d’opérations pour les activités du groupe à travers le monde.
En dix ans, le Portugal est devenu, à bas bruit, une solide base arrière de l’établissement. Elle y comptera 6 000 salariés à la fin de 2019, dont plus de 80 % ne travaillent pas pour le marché local portugais. Ces emplois, qui n’existaient pas avant 2008, sont venus essentiellement de France, mais aussi de Belgique, d’Italie ou de Suisse, pour être confiés à une main-d’œuvre locale diplômée, polyglotte et bon marché. « Il s’agit là d’un des principaux centres de compétences internationaux présents au Portugal », précise Luis Castro Henriques, le président de l’Agence pour l’investissement du Portugal.
Si les délocalisations sont, depuis longtemps, le lot de l’industrie, le secteur bancaire, bousculé par la crise financière, la révolution numérique et les taux d’intérêt négatifs, cherche, lui aussi, à transférer des emplois vers des pays à moindres coûts salariaux. Au Portugal, le salaire minimum, qui sera réévalué de 6 % en 2020, atteindra 740 euros brut mensuels, contre 1 521 euros brut en France, soit plus du double.
Tout commence au début des années 2000
Pour BNP Paribas, tout commence au début des années 2000. Après les attentats du 11-Septembre 2001, le groupe veut dédoubler son activité de « conservation de titres », un métier qui consiste à gérer les comptes titres des investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pension, entreprises…), après la négociation de leurs transactions sur les marchés. Il s’agissait de disposer de deux sites, pour que, en cas d’attaque sur celui de Paris, un centre de secours puisse prendre le relais. Pour cette structure secondaire, la banque a choisi Lisbonne, en 2008.
« Pour mon poste de chargé de compte, la direction demandait simplement le bac, alors qu’il fallait une licence ou une maîtrise pour le même travail à Paris »
Alexandre Huchet, professeur de français qui venait juste de s’installer au Portugal, fait partie des premiers embauchés. « Au début, nous étions 247 employés, se souvient-il, attablé à la terrasse d’un petit café du quartier populaire de Benfica, où se dresse le centre commercial de Colombo. Pour mon poste de chargé de compte, la direction demandait simplement le bac, alors qu’il fallait une licence ou une maîtrise pour le même travail à Paris. Après quatre ou cinq ans, BNP a constaté tous les avantages à être ici, et ils ont décidé de se développer. »