L’économie du deux-roues dopée par le mouvement social

L’économie du deux-roues dopée par le mouvement social

Des vélos devant la pyramide du Louvre, à Paris, le 9 juillet 2018.
Des vélos devant la pyramide du Louvre, à Paris, le 9 juillet 2018. FRANCOIS GUILLOT / AFP

« C’est pour les vélos, cette file d’attente ? » Dans le centre de Paris, samedi 30 novembre, au milieu des passants déjà affairés à leurs courses pour les fêtes, un homme affiche une mine dépitée. Des dizaines de personnes patientent, sagement alignées, le long de la halle des Blancs-Manteaux, où se tient une « bourse aux vélos ». Dans cet ancien marché couvert, chacun peut tester et acquérir un vélo d’occasion pour une somme raisonnable, de 50 à 200 euros environ.

L’association Mieux se déplacer à bicyclette (MDB) a organisé cet événement en une quinzaine de jours à peine, dans la perspective de la grève à la RATP et à la SNCF, susceptible de se prolonger au-delà du jeudi 5 décembre. « Nous avons reçu davantage de monde que lors d’autres bourses aux vélos, pourtant organisées plus longtemps à l’avance. Une centaine de bicyclettes ont été vendues, pour un prix moyen de 100 euros », témoigne Alexis Frémeaux, le président de MDB.

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D’autres acheteurs préfèrent le neuf à l’occasion. A la boutique Cyclable du 15arrondissement de Paris, le 27 novembre, quinze clients se sont vu remettre leur bicyclette toute neuve, dont six qui l’ont expressément réservée en prévision des grèves, détaille Baptiste Pic, gérant de l’enseigne. Ce mouvement social va-t-il contribuer à convertir massivement la France au vélo, et accessoirement faire le bonheur des vélocistes ? A Lille, on se souvient qu’en mai 2013, une grève de quelques jours du transporteur public avait poussé les usagers à monter en selle.

« Maturation lente »

L’Union sport et cycle (USC), qui réunit les entreprises du secteur, pourra dans quelques mois chiffrer les retombées de la paralysie annoncée des transports d’Ile-de-France et des réseaux urbains. On sait déjà que le volume des ventes pour 2019 devrait rester « stable », assure Virgile Caillet, directeur général de l’organisation professionnelle.

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Un segment se distingue toutefois, celui des vélos à assistance électrique (VAE), qui devrait à nouveau enregistrer « une progression à deux chiffres », après avoir gagné 20 % de croissance entre 2017 et 2018. L’USC espère atteindre, dans quelques années, 1,2 million de ventes annuelles, soit quatre fois plus que les 338 000 exemplaires écoulés en 2018. Pour l’industrie, l’enjeu est de taille, car les vélos munis d’une assistance électrique se vendent à un prix moyen de 1 585 euros, contre 350 euros pour un deux-roues classique.

M. Caillet reste toutefois prudent. « Des grèves des transports, surtout si elles durent une semaine, peuvent certes constituer un élément déclencheur. Mais le choix du vélo comme moyen de transport nécessite une maturation lente », observe-t-il. La matérialisation de larges itinéraires cyclables à Paris, Rennes ou Grenoble, l’annonce de « plans vélo » par différentes collectivités ou la prime de 500 euros pour tout achat d’un VAE en Ile-de-France, qui s’applique depuis le 1er décembre, constituent autant d’encouragements.

Monter en selle

M. Pic, chez Cyclable, confirme que le choix des nouveaux acheteurs est réfléchi. « Ils s’inquiètent du vol, de la pluie, de leur sécurité sur les axes routiers, de leur capacité à pédaler jusqu’à destination. Il faut sans cesse les rassurer. » Le responsable a chargé ses équipes d’« accompagner l’achat de conseils et de récits d’expériences, afin de transformer cet usage ponctuel en pratique régulière et maîtrisée », explique-t-il.

La préparation de la grève ne nourrit pas seulement les marchands de cycles, mais aussi les réparateurs. « Ces derniers jours, le volume des prestations a progressé de 30 % à 50 % », évalue Nathanaël Benaym, fondateur de Repair and Run, une société qui intervient à domicile, en particulier sur des vélos à assistance électrique. « Une partie de ces nouveaux clients nous disent qu’ils souhaitent anticiper la grève », explique-t-il. Même constat pour son concurrent Cyclofix : « Le 2 décembre, nous avons battu notre record pour un jour d’hiver », signale Alexis Zerbib, fondateur de la marque.

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D’autres saisissent cette occasion pour apprendre à monter en selle. Bénévole pour une « vélo-école » dans le 20e arrondissement de Paris, où l’on enseigne aux adultes la pratique de la bicyclette, Anne-Lise Millan-Brun raconte que des personnes se sont inscrites début novembre. « Un mois, pour savoir rouler, c’est très court, mais deux ou trois d’entre eux s’en sont sortis, et ils prendront un Vélib’ jeudi », dit-elle. Là-bas, on se prépare sérieusement. Le 13 septembre, lors de la dernière journée de grève à la RATP, le service avait connu un stress test avec 174 000 courses, un record depuis le changement de délégataire en 2018. Le 5 décembre, « des équipes supplémentaires » seront déployées à proximité des stations les plus sollicitées, afin de les recharger le cas échéant.

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Mais encore faut-il que tous ces néocyclistes aient envie de poursuivre l’expérience. Les jours de grève, les pistes cyclables sont encombrées, y compris par des véhicules motorisés qui n’ont rien à y faire… Quelques associations ont pris les devants. Place au vélo à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Vélo Piéton Châtillon ou FAR à vélo à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) proposent à partir de jeudi un accompagnement, par des bénévoles, de ceux qui voudraient se rendre au travail à vélo.

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LJD

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