Les inégalités françaises, un cas d’école
La revue des revues. Dans sa rubrique « Futurs d’antan », la revue Futuribles a eu l’excellente idée, dans son nouveau numéro, d’exhumer des extraits du roman Rule Britannia (1972), de Daphné du Maurier (1907-1989), qui sont d’une troublante actualité et d’une ironie très british. Ce récit prophétique, publié en France sous le titre Mad (Albin Michel, 1974) occupe une place à part dans l’œuvre de la romancière britannique. Dans un scénario de politique-fiction qu’elle situe en 2000, l’auteure de Rebecca raconte que l’Angleterre décide de quitter la Communauté européenne à la suite d’un référendum. Mais rien ne se passe comme prévu et la nouvelle alliance que le premier ministre anglais entend former avec les Etats-Unis, l’Australie et l’Afrique du Sud sombre dans un joyeux bain de sang. Espérons que le Brexit du monde réel sera moins tragique…
Le Brexit a partie liée à la perception d’une plus grande insécurité économique par les classes moyennes et à la montée des inégalités sociales. Comme ces évolutions traversent tous les pays européens, la revue Futuribles a choisi de publier, dans ce même numéro, un article consacré aux inégalités en France. Laurence Boone, chef économiste de l’OCDE depuis 2018 et ancienne conseillère de François Hollande à l’Elysée, et Antoine Goujard, économiste principal à l’OCDE, analysent la faible mobilité sociale dans l’Hexagone. « Seule la Hongrie, parmi les pays de l’OCDE, montre plus de déterminisme social que la France », observent-ils.
Disparités géographiques
En France, l’inégalité des chances est perpétuée par le système éducatif. « L’école française continue à produire plus de personnes ne suivant ni études ni formation que la moyenne de l’OCDE : près de 21 % des 20-24 ans se trouvaient dans cette situation en 2017 », notent les auteurs. Cette tendance s’accompagne de fortes disparités géographiques, selon la commune ou le quartier. Ce constat est d’autant plus alarmant que la France a construit un des systèmes de redistribution efficaces mais qui ne sont pas vraiment favorables aux classes moyennes. Si la redistribution par les impôts et les transferts sociaux permet de réduire les inégalités de revenus, les deux économistes pointent donc « des inégalités d’opportunité » largement liées au système éducatif.
Ancien conseiller social de Dominique de Villepin lorsqu’il occupait Matignon, Louis-Charles Viossat dresse, pour sa part, un état des lieux du travail sur les plates-formes numériques. Il constate un fort décalage entre leur poids économique et leurs effectifs salariés : Amazon emploie 650 000 personnes, Google 100 000 salariés, Facebook 35 000, Uber 20 000 – contre 2,2 millions pour Walmart… Selon le haut fonctionnaire, ces plates-formes doivent, à l’avenir, relever deux défis : mieux protéger les travailleurs et assurer de réelles conditions de concurrence. Dans les deux cas, écrit-il, c’est le recours au droit qui permettra de faire émerger des solutions.