Le livre audio, nouvelle aubaine pour les comédiens
Comment prononcer correctement le mot inuit Neqqajaaq qui signifie « vent violent » ? L’actrice Marianne Denicourt, qui enregistre le livre audio De pierre et d’os de Bérangère Cournut (Le Tripode, 19 euros) pour la société Lizzie (Editis, 18,10 euros), demande à Catherine Lagarde, responsable éditoriale et directrice du studio Nova Spot, de lui donner la bonne intonation. Ce Neqqajaaq va s’arrêter de souffler au chapitre 32… Installée dans une cabine d’enregistrement, la comédienne doit donner vie à 219 pages. Elle lit d’une voix claire et précise.
Parfois, Mme Lagarde, sa « première oreille », lui demande de chuchoter un peu plus ou de reprendre une phrase. « Cela demande une réelle concentration », assure Marianne Denicourt. D’autant que, pour elle, c’est une première. L’auteure du roman lui a demandé d’incarner « sa » voix après l’avoir entendue lors d’une lecture publique. Pour l’interprète, l’exercice consiste à « raconter une histoire, trouver cet équilibre particulier, pour rester au service du texte ».
Longtemps réservé aux malvoyants, aux personnes âgées ou à ceux qui ont un bras dans le plâtre, le livre audio prend son essor en France dans un secteur, l’édition, qui fait grise mine. Dans la mesure où Amazon, l’un des acteurs importants, refuse de révéler ses chiffres, il n’existe pas de statistiques fiables sur la taille de ce marché de niche. Les analystes l’estiment à moins de 2 % du chiffre d’affaire total de l’édition.
Lors de la dernière Foire internationale du livre de Francfort, en octobre, Valerie Lévy-Soussan, PDG d’Audiolib et présidente de la commission livre audio du Syndicat national de l’édition (SNE), a prévu un doublement de ce secteur d’ici trois ans grâce à un enviable taux de croissance de 20 % à 30 % chaque année.
Si l’on se fie à l’exemple américain, les perspectives semblent prometteuses. Selon l’Audio Publishers Association, ce marché y a atteint, en 2018, 940 millions de dollars (854 millions d’euros), en hausse de 24,5 % par rapport à 2017, grâce à une production florissante de 45 000 nouveaux titres en un an.
Casting
Dans l’Hexagone, les éditeurs se lancent dans l’aventure, même si le livre audio nécessite des coûts plus élevés que l’édition papier. Depuis son lancement voilà dix-huit mois, Lizzie a ainsi, selon sa directrice Julie Cartier, produit 280 ouvrages. Audiolib, qui a fêté ses 10 ans en 2018, en sort plus d’une centaine par an. « Tout est adaptable, les romans bien sûr, mais aussi les guides de développement personnel, de voyages et même les bandes dessinées, comme Astérix », assure Ludivine Payen, assistante éditoriale au sein de cette filiale d’Hachette et d’Albin Michel. Si Actes Sud arrive de façon bien plus modeste dans ce marché, Gallimard poursuit activement son offensive. Tout comme les pionniers Thélème ou les Editions des femmes.