Le Fédou, ou la naissance d’un nouveau concept : l’entreprise altruiste

Le Fédou, ou la naissance d’un nouveau concept : l’entreprise altruiste

Les activités de cœur de métier de ces entreprises servent la communauté locale et leurs fournisseurs de façon inconditionnelle, choix qui les rend prospères, explique Isaac Getz dans sa chronique.

Publié aujourd’hui à 06h00 Temps de Lecture 5 min.

Article réservé aux abonnés

« La fromagerie Le Fédou n’est pas la seule entreprise altruiste du secteur agroalimentaire que nous avons identifiée pour notre enquête » (photo: Lozère, un troupeau de brebis sur le causse Méjean).
« La fromagerie Le Fédou n’est pas la seule entreprise altruiste du secteur agroalimentaire que nous avons identifiée pour notre enquête » (photo: Lozère, un troupeau de brebis sur le causse Méjean). Eric Teissedre / Photononstop

[Isaac Getz évoque l’exemple de la fromagerie Le Fédou, traité dans L’Entreprise altruiste (Albin Michel), ouvrage dont il est coauteur avec Laurent Marbacher.]

Selon un dicton local, en Lozère, les corbeaux volent sur le dos pour ne pas y voir la misère. C’est pourtant là, dans le village de Hyelzas sur le Grand Causse, que Florence Pratlong a créé en 1990 une fromagerie : Le Fédou. Son ambition est de lancer une activité économique qui aidera à prospérer ceux qui vivent sur ce territoire : agriculteurs, artisans, instituteurs, etc.

Historiquement, les producteurs de la région fournissent en lait les industriels du Roquefort. Florence Pratlong leur propose alors de travailler ensemble pour améliorer la qualité de leur lait, car elle en a besoin pour produire ses fromages très fins à pâte molle. En contrepartie de cette meilleure qualité, elle leur garantit un prix d’achat plus élevé. Son idée les séduit et la fromagerie grandit jusqu’à employer vingt salariés, livrant ses fromages partout en France. La commune aussi s’agrandit et passe de 180 à 330 habitants : un menuisier s’y installe, l’école primaire s’agrandit…

Jusqu’ici, rien ne semble vraiment altruiste dans cette histoire d’un industriel qui crée une affaire et qui persuade ses fournisseurs d’augmenter la qualité de leur matière première afin de valoriser ses produits. Cette success story ne va pourtant pas durer.

Un jour, un grave problème de contamination met à mal la production de tous les fromages à pâte molle. Seules les tommes résistent et permettent à la fromagerie de survivre. Cependant, les tommes sont vendues à un prix plus bas que les fromages à pâte molle. De ce fait, elles ne permettent pas à la fromagerie de rentabiliser le prix élevé du lait acheté à ses douze éleveurs de brebis. Inutile alors de voir le film Au nom de la terre pour imaginer une suite, dans laquelle seuls les agriculteurs vont faire les frais de la situation.

Un espace de dialogue authentique

Pourtant, forte de la confiance établie pendant des années avec ses fournisseurs, Florence Pratlong leur propose de se donner un an pour établir la liste de leurs besoins. Les parties se rencontrent alors toutes les deux semaines et travaillent dans une totale transparence financière. Ainsi, elle crée un espace de dialogue authentique au lieu d’engager le bras de fer, condition favorable à l’émergence de solutions innovantes.

L’issue trouvée par Florence Pratlong avec ses fournisseurs fut salvatrice : les éleveurs acceptèrent de réduire le prix de leur lait en échange d’une augmentation des volumes et d’un complément de prix versé en fin d’année, en cas de bonne valorisation du lait sur les marchés – la transparence financière restant constante entre les parties.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.