A La Roche-sur-Yon, des « Michelin » vigilants sur leur reclassement
En Vendée, le rapport de force peine à s’enclencher. Jeudi, peu de salariés du site yonnais ont manifesté alors qu’ils ont approuvé en majorité les négociations avec la direction.
Article réservé aux abonnés
Evelyne Becker tire nerveusement sur sa cigarette. Elle a fait le voyage depuis Amiens pour soutenir les salariés de Michelin. « Pensez, souffle-t-elle, en 2007, c’est moi qui étais à leur place. » Figure emblématique de la lutte des « Goodyear », cette quinquagénaire est émue. « Tant de souvenirs qui remontent », lâche celle qui n’a plus retrouvé de travail, suite à son engagement syndical.
Au moment de prendre le micro, la militante retrouve ses réflexes. « Je ne suis pas venue ici vous faire la leçon, mais vous dire que si vous le choisissez, la lutte risque d’être longue mais fructueuse ! » Quelques maigres applaudissements fusent. Chacun des salariés mobilisés a en tête le résultat de la consultation mise en place, le 18 octobre, par l’équipementier français. 78,7 % des 619 ouvriers se sont prononcés à 96,1 % en faveur de négociations, contre 2,1 % pour l’instauration d’un rapport de force collectif et juridique.
« On pourrait presque les comprendre, peste Hervé, arrivé du Puy-en-Velay. Dans sa stratégie d’annonce de fermeture, la direction a été d’un tel cynisme que la plupart ont aujourd’hui envie d’oublier Michelin. » Un mauvais calcul selon cet ouvrier qui comptabilise 21 ans d’ancienneté. « Quand j’entends Jean-Paul Chiocchetti [directeur de Michelin France] parler de reclassement dans un territoire dynamique, je dis “attention” ! Si c’est pour troquer un CDI contre un CDD ou redémarrer à temps partiel ou en intérim, cela n’a aucun intérêt. »
« Michelin devra aller plus loin »
Ce n’est pas Didier qui dira le contraire. Si cet ancien « Michelin » est venu de Tours, c’est pour dire à ses collègues de La Roche-sur-Yon « que chez nous, aussi, la direction a fermé la production de pneus poids lourds et supprimé 706 emplois… avant d’en rappeler un certain nombre sous contrat intérimaire pour aider les 200 salariés restés sur le site de Joué-lès-Tours. »
Retraitée en linguistique au CNRS, Chantal est une des rares parmi les habitants à être présente sur le parking de l’usine. « Je suis venue parce que l’argument du bassin d’emplois dynamique est un mythe. Certes, nous avons un des taux de chômage les plus faibles de France [6,5 % contre 8,5 % pour la moyenne nationale], mais pour un nombre record de postes en intérim », croit savoir la retraitée.