Le combat tous azimuts des « GE Belfort »
Après quatre mois de conflit, les salariés de General Electric ont obtenu des avancées, avec l’appui de l’Etat.
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Le coup de fil a été décisif. Mardi 15 octobre, vers 20 heures, Bruno Le Maire profite d’une suspension de séance lors de l’examen du projet de budget 2020 à l’Assemblée nationale pour appeler le PDG de General Electric (GE), Larry Culp. Le ministre de l’économie veut lui arracher un feu vert pour l’accord informel qu’il a élaboré à Bercy, quelques heures plus tôt, avec l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, SUD) et les dirigeants français du conglomérat américain : sauver 307 emplois sur les 792 postes que GE entend supprimer dans l’activité des turbines de centrales au gaz fabriquées à Belfort et Bourogne (Territoire de Belfort).
Le « boss » donne son assentiment, à condition que les salariés acceptent un plan d’économies de 12 millions d’euros par an. Son contenu reste à négocier, mais il rognera forcément certains acquis (salaires, RTT, primes, heures supplémentaires…). Les salariés seront consultés, lundi 21 octobre, et, s’ils acceptent de négocier sur la base de l’accord, des discussions formelles s’engageront jusqu’à la fin du mois. L’horizon se dégage enfin, quelques jours avant la date d’expiration de la procédure légale de consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), justement fixée ce jour-là. En cas de rejet, la direction déposera sa proposition initiale à la direction régionale du travail, avec 111 postes sauvegardés sur 792.
Il a fallu quatre mois de tensions et de manifestations depuis l’annonce, le 28 mai, de la suppression de 792 emplois dans le Territoire de Belfort et de 252 postes en région parisienne. Quatre mois de politique de la chaise vide de la part des syndicats, mais de tractations informelles avec l’équipe de M. Le Maire. Quatre mois de mobilisation des élus de droite et de gauche. Et, pour finir, quelques jours de discussions-marathons sur fond de blocage du site, qui se poursuivait samedi matin.
- L’industrie à la peine
Les « GE Belfort » ne sont qu’à moitié surpris, fin mai, par un plan dont l’annonce a été repoussée au lendemain des élections européennes. GE vend quatre fois moins de turbines qu’il y a dix ans, et la menace d’un millier de suppressions d’emplois plane depuis des mois. Guère surpris, mais indignés. Car on est loin des 1 000 embauches promises lors du rachat d’Alstom Power par le géant de Boston, même si les postes supprimés concernent une activité rachetée à Alstom en 1999, et non en 2015.
L’annonce de GE tombe dans un climat où le sentiment général peut se résumer ainsi : « France, ton industrie fout le camp ! »Un mois plus tôt, au sortir de la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a annoncé « un pacte productif pour atteindre le plein-emploi en 2025 ». Mais plusieurs sites sont frappés par une menace – ou une décision – de fermeture : l’aciérie Ascoval (Nord), Ford Blanquefort (Gironde), le papetier Arjowiggins (Sarthe), l’usine d’électroménager Whirlpool d’Amiens (Somme)… La décision de GE, qui a annoncé la suppression de 12 500 postes (dont 5 000 en Europe) dans sa branche « Power », est du pire effet. D’autant que ses salariés français ne sont plus protégés par les clauses de l’accord de 2015 sur la reprise d’Alstom.