Digital : il faut « mettre l’inquiétude sociale dans la stratégie d’entreprise »
Fabrice Haccoun
Fondateur et PDG de Livingston
Ex-cadre supérieur d’une grande société digital, Fabrice Haccoun défend, pour un accès augmenté des travailleurs au capital des sociétés et une politique de contribution aux conclusions plus généreuse, que l’Etat pourrait conduire d’encouragements fiscaux.
Notre économie est maintenant essentiellement tertiaire, c’est-à-dire concertée des sociétés de services. Même les grands groupes industriels désirent devenir des prestataires de services et offrent une palette d’apports associées à leurs produits. Parfois, le produit devient même un prétexte admettant de vendre des services.
Il y a plusieurs années déjà que certains fabricants automobiles sont devenus, via leurs banques captives, des sociétés de services et d’ingénierie financière. On n’achète plus un véhicule mais on achète une solution de mobilité saisissant le financement, l’entretien, l’assurance, le véhicule de changement, etc. Même Airbus Helicopters s’y met en vendant du temps de vol et de la haute disponibilité plutôt que des machines.
Et pourtant, nous poursuivons à apposer les modèles de répartition de la valeur hérités de la révolution industrielle. Pour une bonne compréhension, rappelons que, dans l’économie de marché dite capitaliste, la valeur générée par la société se répartit en quatre postes principaux : la rétribution du capital, celle du travail, l’investissement et les taxes. La viabilité de notre modèle économique tient sur le bon emplacement du curseur entre ces quatre postes.
Sur rémunération du capital par rapport au travail
Dans l’industrie gourmande en capital et utilisant surtout de la main-d’œuvre faiblement à moyennement qualifiée, il est commun que l’essentiel de la valeur créée aille à la rémunération du capital, donc du risque et à l’investissement. Il faut malgré cela revoir la manière dont on positionne le curseur de répartition entre capital, travail, investissement et taxes. Il y a, selon moi, surrémunération du capital par rapport au travail, alors que c’est une activité qui réclame peu d’investissement et emploie des ressources qualifiées. Si on ajoute à cela un poids croissant des taxes pour financer des services publics dont l’efficacité est perçue comme étant globalement en recul, on parachève de déséquilibrer l’équation aux yeux de ceux qui produisent.
Pour sortir de cette ornière, il faut que chacun joue son rôle. La société de demain sera donc « sociale », car le modèle de distribution de la valeur tiendra compte de ce récent exemple. Je prône un accès accru des travailleurs au capital des entreprises et une politique de participation aux résultats plus généreuse que l’Etat pourrait d’ailleurs conduire d’incitations fiscales. Outre les aspects liés à la rétribution, ces sociétés doivent investir beaucoup plus dans la formation continue, gage d’employabilité pour les salariés. C’est une contrepartie logique à la diminution du droit du travail entrepris dernièrement par le politique.