La souffrance au travail, un bouleversement
BONHOMME
Les examens spécialisés dans la souffrance au travail sont doublées. La demande des salariés augmente et les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent. En 2018, l’Association de santé au travail interservices (ASTI), par exemple, a reçu 1 600 personnes, contre 1 400 en 2017. « Nous faisons face à des situations de plus en plus compliquées, qui peuvent mettre la vie en jeu, avec toujours plus d’arrêts-maladie longs, des burn-out…, explique Christophe Maneaud, le directeur. Notre problème est de trouver des cliniciens formés. » Il faut un mois, en moyenne, pour obtenir un premier rendez-vous dans cette association qui fédère huit services de santé au travail d’Occitanie.
Le public qui sollicite évolue. « Au début, se souvient le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours, la majorité des patients étaient des salariés aux conditions de travail les plus dures. Aujourd’hui, ils exercent de plus en plus des métiers de niveaux élevés : beaucoup de cadres, de médecins des hôpitaux, d’enseignants, jusqu’aux membres de cabinets ministériels. » A l’image de Nathalie (prénom modifié), directrice marketing dans le secteur du luxe, en arrêt-maladie depuis un an et demi, après deux burn-out. Pour avoir critiqué le harcèlement moral de sa supérieure, « connu de tout le monde », elle est écartée des réunions de lancement d’un produit, et donc mise en situation de ne pouvoir exercer son métier…
Harcèlement moral ou sexuel, burn-out, brimades, placardisation… : comment réagir face à ces violences dans l’entreprise dont sont victimes, selon M. Dejours, des salariés « de plus en plus jeunes » ? Comment s’en protéger ? A qui en parler ? Ces questions sont au centre des soirées des Cafés santé et travail, des rencontres-débats réunissant, chaque mois, à Paris et en province, des spécialistes de la souffrance en entreprise (médecins, psychologues, avocats…) et le public.
« Remettre les gens debout »
Conçues en septembre 2017, dans le cadre de l’association Thema, ces réunions sont planifiées en partenariat avec le réseau de enquêtes spécialisées Souffrance et travail, fondé par Marie Pezé, psychanalyste et psychologue clinicienne. Après l’intervention, en décembre 2018, de la sociologue Danièle Linhart, sur le thème « Imaginer un salariat sans subordination », ce sera au tour de Marta Serafim, psychologue du travail, et d’Eric Hamraoui, maître de conférences en philosophie au Conservatoire national des arts et métiers, de répondre, mardi 22 janvier, à Paris, à la question « Entre courage et peur au travail, comment se situer et agir au quotidien ? »