Stéphane Le Lay, sociologue : « Le travail a été pour partie déshumanisé, la relation aux demandeurs d’emploi, industrialisée »

Stéphane Le Lay, sociologue : « Le travail a été pour partie déshumanisé, la relation aux demandeurs d’emploi, industrialisée »

Les sociologues du travail Stéphane Le Lay et Fabien Lemozy ont mené plusieurs enquêtes auprès de conseillers de Pôle emploi (devenu France Travail en 2024) et de demandeurs d’emploi en 2021 et 2022. Elles ont servi de base à la rédaction de leur ouvrage, Contrôler et prescrire (Editions du Croquant, 192 pages, 20 euros). Les deux auteurs ont précédemment publié Plateformes. La colonisation du travail et de la démocratie (Editions de l’Atelier, 248 pages, 21,50 euros).

Vos enquêtes auprès de conseillers de Pôle emploi vous ont amenés à une conclusion : « La victoire de la conception gestionnaire de l’accompagnement et du contrôle est totale » au sein de l’institution. En quoi s’incarne-t-elle et qu’est-ce que cela implique dans le quotidien professionnel des salariés ?

On observe une prévalence du chiffre depuis plusieurs dizaines d’années dans cette institution, notamment avec le déploiement du new public management. Il faut dénombrer les demandeurs d’emploi, distinguer ceux qui ont droit à une indemnisation…, avec, régulièrement, la nécessité de faire apparaître les chiffres les moins mauvais possibles – en créant notamment de multiples catégories de chômeurs – sous la pression des responsables politiques.

Cette importance du chiffre s’est renforcée avec la transformation numérique des agences. Le travail a été pour partie déshumanisé, la relation aux demandeurs d’emploi, industrialisée. La question de leur contrôle a pris une place importante et des objectifs – chiffrés – ont été définis pour les salariés (par exemple, faire baisser le nombre de demandeurs d’emploi seniors, en les convoquant et en évaluant s’ils ont bien fait leur recherche active…). Cela implique également la mise en place, en certains cas, d’une « politique occupationnelle » : les conseillers sont incités à inscrire les demandeurs d’emploi à des formations ou à des stages, dont l’utilité n’est, tant s’en faut, pas toujours démontrée.

Comment réagissent les salariés face à cette évolution de leur travail d’accompagnement ?

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LJD

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