Aux Etats-Unis, la promesse des logiciels de surveillance du travail des salariés séduit les employeurs

« Ce sont des fascistes » : Jonathan Schoenberg, directeur créatif de l’agence de publicité TDA, à Boulder, dans le Colorado, n’a pas de mots assez durs pour décrire les nombreux logiciels de surveillance numérique proposés aux entreprises américaines. La montée en puissance du travail à distance fait que les chefs de service ne peuvent plus suivre de près leurs troupes d’un simple coup d’œil ou en passant au bureau d’un salarié.
ActivTrak, Teramind, Time Doctor, WorkExaminer, Hubstaff… les éditeurs de logiciels, utilisateurs d’intelligence artificielle (IA), leur offre donc une alternative : des outils pour suivre à distance le travail de l’employé assis devant son ordinateur. ActivTrak observe ainsi les e-mails, les sites visités, les temps de travail, l’activité de la souris… Un de ces logiciels peut, en plus, prendre régulièrement des photos de l’intéressé, ou faire des enregistrements vidéo. « C’est une mentalité d’usine », dénonce M. Schoenberg. Un outil rétrograde et inefficace à ses yeux : « Si je m’absente pendant deux heures pour rencontrer un client, le logiciel le décompte en temps perdu et juge à tort cette initiative contre-productive. »
Amit Raj, le patron de l’entreprise écossaise The Linksguy, expert en optimisation des moteurs de recherche, est plus nuancé. Il invoque les besoins d’une communication rapide entre ses équipes : « Depuis le Covid-19, nous avons des travailleurs à distance. Si le manageur ou des collègues ne peuvent pas faire le point sur l’avancement d’un projet, c’est un problème. » Les frappes sur le clavier l’intéressent moins. « Ça ne dit pas grand-chose, je ne m’en sers jamais. » La surveillance des temps de travail de la dizaine d’employés fait partie du contrat : « Au moment de l’embauche, je les préviens clairement que nous utilisons un logiciel de suivi. » Les dilettantes s’en vont tout de suite.
The Linksguy n’est pas le seul amateur de logiciels de surveillance. Leur usage est très étendu dans les entreprises. Arnd Vomberg, un professeur d’HEC qui a étudié l’impact de ces systèmes d’information sur les salariés en Europe évoque l’utilisation fréquente de logiciels censés améliorer la relation clients. « Le vendeur sait quand il a vu un client, comment le relancer, quels e-mails lui envoyer », dit-il. L’employeur suit la performance de l’employé en notant « combien d’affaires ont été conclues et à quel prix ».
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