« Avoir les moyens de faire un travail de qualité est un facteur démontré de bien-être psychologique »
Michel Barnier a annoncé de nouvelles négociations pour « améliorer » la réforme des retraites de 2023. Mais, alors que les conditions de travail concrètes des salariés sont un élément déterminant de leur acceptation ou de leur refus de continuer à travailler après la soixantaine, ce sujet crucial semble hors champ.
Dans le projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement propose d’ailleurs d’amputer de 25 % le budget de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail sans susciter de réactions particulières.
Est-ce à dire que le travail est globalement devenu plus facile que dans les années 1970, quand les luttes contre le travail « aliénant », contre les « cadences infernales », mobilisaient syndicats et intellectuels ?
Nos recherches de terrain dans des secteurs d’activité diversifiés montrent au contraire que les conditions de travail se détériorent plutôt, notamment en raison d’un contrôle et d’une surveillance du travail accrus par l’intermédiaire des nouvelles technologies. Une situation qui influe sur l’état psychique et physique des salariés. Avoir les moyens de faire un travail de qualité est en effet un facteur démontré de bien-être psychologique ; les travailleurs disposant d’une autonomie importante ont par ailleurs globalement une meilleure santé.
Un mal nécessaire
Or, nous constatons que le taylorisme est sorti des seules usines, se généralisant au secteur des services et que le « lean management » qui le remplace parfois, a des conséquences encore plus désastreuses.
Dans les centres d’appels, les manageurs enregistrent et contrôlent en temps réel la durée de chaque appel.
Dans les entrepôts logistiques, les opérateurs scannent tous les produits et sont en communication permanente avec des robots vocaux à qui ils signalent chacun de leurs gestes. Certains d’entre eux continuent ce dialogue mécanique même la nuit, parlant en dormant.
Bien d’autres activités – certaines qualifiées et dans le secteur public – sont affectées. Beaucoup de télétravailleurs voient leur activité surveillée à distance, avec des outils qui comptabilisent par exemple le nombre de clics de leurs souris.
Les développeurs informatiques sont de plus en plus tenus de planifier à l’avance leurs activités dans les moindres détails, inventant parfois de fausses tâches pour se donner le temps de souffler et de réfléchir, conditions indispensables pour innover. Les enseignants-chercheurs ne sont pas épargnés et doivent leurs carrières au nombre de leurs publications dans des revues « étoilées », seul élément valorisé par les classements internationaux.
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