Trop de normes tuent la norme

Trop de normes tuent la norme

Gouvernance. Une alternative classique, en économie politique, oppose le « laisser-faire » à la réglementation. L’un promeut l’absolue liberté d’action individuelle, quand l’autre contraint les comportements par des standards communs.

C’est une fausse alternative, car, dans la pratique, aucune société, même la plus libérale, ne peut fonctionner sans des règles instaurant les droits et les devoirs, les conditions de fonctionnement des marchés ou des contrats. Le laisser-faire absolu est un mythe et, quand il se réalise, il n’instaure que le règne des mafias et des exactions.

Le véritable dilemme porte moins sur la nécessité des normes collectives que sur leur juste quantité. L’efficacité économique ou sociale liée aux réglementations suit, en effet, une courbe en forme de cloche : au début, grâce aux normes, les relations se fluidifient et deviennent plus efficaces. Les droits sont précisés, l’incertitude est réduite, la confiance s’établit entre les individus, car les règles qui président à l’échange, à l’innovation ou à une rivalité tolérable sont connues.

Application coûteuse

Mais il vient un point à partir duquel l’efficacité des réglementations ralentit, puis stagne : les règles toujours plus pointilleuses pour gérer une même situation se superposent et, inévitablement, se contredisent ; ce qui exige de nouvelles précisions réglementaires qui accroissent encore la complexité de la réglementation. Arrive enfin le moment où son efficacité décroît : plus on réglemente, moins les comportements vont dans le sens espéré.

Car non seulement les normes se contredisent, mais leur application est coûteuse en temps et en moyens. D’où une abstention prudente par peur d’enfreindre le droit. Pire, les contradictions entre les règles encouragent les combines pour y échapper. La lettre tue l’esprit des lois.

Cette courbe en cloche est bien connue par la recherche en gestion. L’absence de processus formalisés en entreprise autorise parfois des initiatives individuelles fécondes, mais elle mène aussi à des défaillances collectives. La standardisation de règles communes est essentielle tant à l’efficacité économique qu’à la justice organisationnelle. Mais trop de procédures détaillant d’innombrables « bonnes pratiques » étouffent la spontanéité et les innovations pour inspirer les désengagements et les opportunismes.

A l’échelle de la société, même courbe en cloche : ainsi, la réglementation écologique est nécessaire, mais son excès devient paralysant ; la protection des libertés civiques est inestimable, mais la prolifération de règles spécifiques les rend inopérantes et favorise, finalement, le non-droit.

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LJD

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