« Les hommes dans les métiers dits féminins montent plus vite en hiérarchie et prennent la lumière »

« Les hommes dans les métiers dits féminins montent plus vite en hiérarchie et prennent la lumière »

Alors que les femmes qui tentent de s’insérer dans les professions dites masculines se heurtent encore à de nombreux freins, les hommes exerçant dans des métiers féminisés tirent, eux, leur épingle du jeu. Dans Se distinguer des femmes (La Documentation française, 2023), la chercheuse en sociologie Alice Olivier s’est intéressée aux trajectoires de jeunes hommes passés par des études de sage-femme et d’assistant de service social – quasi exclusivement féminines –, et au traitement de faveur qui leur est accordé.

Les attentes portées sur les hommes et sur les femmes sont-elles les mêmes, dans les secteurs très féminisés que vous avez étudiés ?

Pour ce qui est du cœur du métier, notamment le travail de soin et d’attention à l’égard des personnes accompagnées, on attend la même chose des femmes et des hommes. Mais dans notre société où les normes et les inégalités de genre sont encore marquées, on pense aussi souvent qu’elles et ils n’ont pas les mêmes qualités intrinsèques, et que les hommes peuvent apporter quelque chose « en plus » dans ces secteurs très féminisés.

Ainsi, les équipes professionnelles voient souvent d’un bon œil l’entrée d’hommes dans les formations. Elles considèrent qu’ils apportent, comme de façon innée, du sang-froid, de la force physique, de l’humour, qu’ils ont des sujets de conversation intéressants, qu’ils sont plus techniques, plus rationnels et scientifiques. Et les hommes se mettent eux aussi souvent en avant sur ces dimensions.

Ces projections contribuent à les valoriser en stage. D’ailleurs, comme ils sont très peu nombreux, on les y repère vite. Dans des services surchargés comme le sont ceux de sages-femmes, le fait d’être très visible donne plus de place pour montrer ses compétences et pour apprendre. Souvent, on leur pardonne aussi plus facilement leurs erreurs. On considère que les hommes sont « moins scolaires » mais qu’ils ont des qualités de finesse, par exemple, et il y a une forme de bienveillance à leur égard. Cela aide à leur donner confiance en eux.

Comment la mise en avant dont bénéficient les hommes favorise-t-elle leurs parcours ?

Les hommes dans les métiers dits « féminins » montent plus vite en hiérarchie, prennent plus la lumière, connaissent moins de temps partiel ou de chômage. Dans mon étude, j’ai pu voir les racines de ces mécanismes dès la période de la formation. Par exemple, les hommes prennent souvent les rôles de représentation, comme ceux de délégué, de président d’association étudiante ou de porte-parole de la classe, quand bien même celle-ci est composée quasiment exclusivement de femmes. Ces positions leur permettent de renforcer des compétences de leadership, de négociation, d’aisance pour parler en public. Ils trouvent aussi facilement des stages, et sont souvent populaires au sein de leur promotion.

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LJD

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