Peut-on porter des claquettes-chaussettes à la DRH ?
En entreprise, il arrive que l’exceptionnel devienne le standard (malheureusement, cette règle ne concerne pas la généralisation du treizième mois à tous les mois de l’année). C’est le cas, par exemple, en matière d’habillement. Connue sous le nom de casual Friday, la décontraction vestimentaire qui, le vendredi, autorisait les salariés à venir sans nœud coulant autour du cou s’est d’abord développée durant les années 1980 au cœur de la Silicon Valley, avant de se massifier.
Symbole d’une mise à mal des vieilles normes, cette décontraction vestimentaire, signe de la prise de pouvoir des ingénieurs informatiques et de leur culture sur le reste de la société, avait d’ailleurs des avantages pratiques : lorsque l’on passe quatre-vingts heures par semaine à coder, mieux vaut être dans un vêtement molletonné, plus pratique qu’un costume étriqué pour improviser une sieste sur un coin de canapé.
Après Steve Jobs, c’est Mark Zuckerberg qui a porté jusqu’à son point d’incandescence ce style informe, faisant exploser tous les codes corporate en matière d’habillement. Tee-shirt invariablement gris, jean pas super bien coupé et claquettes de piscine : ce look typique du gars qui sort les poubelles permet en réalité de ne pas avoir à gaspiller de ressources cognitives inutiles (pff, choisir comment s’habiller, quel intérêt ?) quand on peut les employer à révolutionner nos modes de sociabilité – pas forcément en bien, d’ailleurs. Tout ça pour dire qu’au fil du temps le casual Friday s’est mué en casual everyday (« décontracté tous les jours ») : l’exception est devenue la règle.
Des lignes rouges floues
Les confinements, le travail hybride et les canicules à répétition sont venus affermir ce mouvement qui tend à faire de nous des Big Lebowski d’open space. D’après une étude pour International Workplace Group publiée en août 2023, 50 % des salariés américains portent des sweats à capuche au bureau, 44 % des vêtements transparents et 42 % des jeans troués. Birkenstock, minishort, maillot du Stade brestois, yoga pants : les lignes rouges entre le portable et l’importable sont désormais difficiles à déterminer, variant en fonction de l’entreprise et des circonstances. Passer un entretien d’embauche avec un tee-shirt de Mötley Crüe n’est pas une très bonne idée, mais cela pourra s’avérer bénéfique si vous êtes graphiste ou créatif.
Bien que le look formel traduise encore un statut élevé, la bonne nouvelle, c’est qu’on peut désormais occuper une position hiérarchique avec des Gazelle aux pieds. Mais est-il possible pour autant de venir travailler à la DRH en claquettes-chaussettes ? Si chacun est libre de s’habiller comme il le souhaite, dans la mesure où il arbore une tenue décente, l’employeur peut néanmoins imposer certaines restrictions justifiées par des impératifs de sécurité ou des questions d’image.
Il vous reste 20.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.