Des cadres toujours plus nombreux
Le « Portrait des professions en France en 2022 », publié par l’Insee le 29 avril, reflète l’élévation des qualifications et la tertiarisation de l’économie française au détriment de l’industrie et de l’agriculture. Les cadres sont les grands gagnants de cette évolution. Dans cette étude, couvrant l’ensemble des salariés vivant en France hors Mayotte, leur part au sein des personnes en emploi « a presque triplé sur la période, passant de 8 % en 1982 à 21,7 % en 2022 ».
Une progression qu’il faut cependant nuancer. Certes, la France compte plus d’étudiants qui suivent des études longues et plus de cadres et de professions intellectuelles que la moyenne européenne.
Mais il faut aussi tenir compte du fait que le statut « cadre » s’est étendu au fil des décennies, explique en substance Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste de l’emploi : « Depuis l’avènement des trente-cinq heures, certains employeurs ont trouvé avantage à employer davantage de salariés sous statut cadre et donc en forfait jour pour disposer de plus de flexibilité sur la réglementation du temps de travail. » Ainsi des professions intermédiaires de niveau bac + 2 ou bac + 3 peuvent basculer dans cette catégorie du fait de leur expérience ou à l’issue d’une promotion.
Désindustrialisation de l’économie française
A l’inverse, les ouvriers constituent la catégorie qui a le plus décliné. Leur part « a baissé de façon continue, passant de 29,9 % en 1982 à 18,9 % en 2022 », relève l’Insee. Ce déclin reflète évidemment la désindustrialisation de l’économie française, l’une des plus fortes parmi les pays développés du G7 : de 1980 à 2018, l’industrie a perdu la moitié de ses effectifs, et sa part dans le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 10 points, pour s’établir à 13, 8 % en 2018, rappelle France Stratégie, un service d’évaluation des politiques publiques auprès du premier ministre.
L’Insee relève, par ailleurs, que la baisse de cette catégorie professionnelle est majoritairement subie par les ouvriers peu qualifiés. « Sur longue période, ils sont plus concernés par d’importants gains de productivité liés à l’automatisation des tâches », précisent Erwan Pouliquen, responsable de la section profession – qualification – formation, et Laura Castell, responsable de la division emploi de l’Insee. Par ailleurs, les industries de main-d’œuvre comme le textile, qui employaient en masse des ouvriers peu qualifiés, ont largement été délocalisées dans les pays émergents.
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