« L’Europe doit faire preuve de fermeté et rehausser les normes mondiales en matière de durabilité »
L’Europe est sur le point d’adopter un plan audacieux en deux parties pour réglementer les relations entre entreprises et droits humains. La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), adoptée il y a un an, transposée mercredi 6 décembre dans le droit français et qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2024, oblige les entreprises à rendre compte publiquement des risques sociaux et environnementaux. La directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, CSDD), qui sera bientôt finalisée, obligera les entreprises à prévenir activement ces risques ou à les atténuer. Ce nouveau régime juridique pourrait être révolutionnaire, à condition que l’Union européenne (UE) résiste aux tentatives d’affaiblissement de chacune de ces deux parties.
La première directive exige des entreprises qu’elles signalent tout risque social ou environnemental qui peut affecter soit les propriétaires de l’entreprise, soit la société dans son ensemble. Cette approche judicieuse et novatrice, qui porte le nom technique de « double matérialité », s’oppose à celle de l’International Sustainability Standards Board, organisme international de standardisation des critères de durabilité, dite « de simple matérialité financière », selon laquelle les entreprises n’auraient à signaler ces risques que lorsqu’ils menacent la seule valeur financière de l’entreprise pour ses propriétaires.
Or, cette vision étroite de la matérialité est précisément ce qui entrave le développement de l’investissement « socialement responsable », c’est-à-dire prenant en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comme le montre une étude récente du Stern Center for Business and Human Rights de la New York University (« Making ESG Real », Michael Goldhaber, novembre 2023).
Coûts imposés
La plupart des mécanismes et procédures ESG actuels évaluent la manière dont les risques environnementaux ou sociaux pourraient nuire à l’entreprise et à ses actionnaires. Or, les entreprises peuvent souvent nuire à l’environnement ou à la société sans pour autant nuire aux actionnaires, si cela s’avère rentable et si les conséquences juridiques ou réputationnelles sont minimes ou inexistantes. L’immoralité dans les affaires peut être parfaitement rentable, légale et à l’abri du scandale ! Il peut être financièrement rationnel pour certaines entreprises d’assumer scandales et responsabilités juridiques.
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