A Polytechnique, aux Mines de Paris ou à AgroParisTech, les liaisons dangereuses avec les grandes entreprises dénoncées par des étudiants militants
Avec la venue de l’automne, les étudiants sortent leur costume, et les employeurs leurs meilleurs arguments. La saison des forums d’entreprises est ouverte. Temps fort de la formation des ingénieurs, cette traditionnelle opération de séduction et de levée de fonds vire désormais à l’insurrection. De Polytechnique aux Mines Paris-PSL en passant par AgroParisTech, le scénario est toujours le même. Au milieu des stands affichant les grands noms du conseil, de la banque ou de l’énergie, loués au prix fort pour financer la vie associative de l’école, des dizaines d’étudiants se laissent tomber par terre, simulant la mort en exécutant un die-in. Tout autour, des banderoles aux slogans percutants : « Ecole financée par l’or noir », « Stop aux cabinets de con (seil) », « Les intérêts privés se font toujours au détriment de l’avenir commun ».
Puis des discours viennent rompre le silence de la foule interloquée. « Comment peut-on encore accepter d’être financé par TotalEnergies, qui continue de multiplier les nouveaux projets pétroliers, tel le projet Eacop [de construction d’un oléoduc] en Ouganda ? Comment peut-on encore accepter des partenariats avec la BNP, la Société générale ou le Crédit agricole qui continuent de financer les projets les plus destructeurs ? Et comment peut-on encore accueillir LVMH ou L’Oréal, qui nous embauchent pour optimiser leurs algorithmes de ciblage publicitaire ? », s’insurgeaient, début octobre, une trentaine d’étudiants de Polytechnique lors du X-Forum, devant les regards parfois approbateurs, amusés, ou plus souvent indifférents de leurs camarades.
Déroulé similaire quelques jours plus tard, au Forum Trium, coorganisé par les associations étudiantes de quatre écoles d’ingénieurs (Mines Paris-PSL, Ponts ParisTech, Ensta Paris et Ensae Paris). Distribution de tracts, sit-in de quelques minutes devant le stand de Perenco, producteur d’hydrocarbures, discours sur l’appel à la révolte et, en bonus, pendant toute la durée de l’événement, des passes d’armes rhétoriques entre recruteurs et étudiants.
Planté devant le stand de TotalEnergies, un jeune ingénieur des Ponts interpelle un représentant du géant pétrolier : « Je ne travaillerai pas pour vous tant que des changements drastiques ne seront pas mis en œuvre. » Tout sourire, le recruteur dégaine sa réplique bien huilée : « C’est dommage, on manque cruellement d’ingénieurs sur l’éolien ou l’hydrogène. Je reçois tous les jours deux cents CV pour l’Oil & Gas et seulement quinze pour l’éolien. Si la transition vous intéresse, rejoignez-nous ! »
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