« La grande livraison » : six livreurs font Paris-Bruxelles à vélo pour défendre leur droit au salariat

« La grande livraison » : six livreurs font Paris-Bruxelles à vélo pour défendre leur droit au salariat

Départ des livreurs de « La Grande Livraison », à Paris le 5 novembre. Ils pédalent jusqu’à Bruxelles pour défendre leurs droits.

C’est avec un peu de retard que le petit peloton de livreurs à vélo arrive sur la place René Goblet d’Amiens, lundi 6 novembre, sous les acclamations d’un groupe comprenant notamment le député local François Ruffin (La France insoumise). « Ils ont fait 74 kilomètres au lieu de 62 depuis Beauvais, car il a fallu passer par des petites routes », justifie Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat de chauffeurs VTC INV, qui les suit à la manière d’une voiture-balai.

Six livreurs à vélo de cinq nationalités différentes, 384 kilomètres entre Paris et Bruxelles et cinq villes-étapes : tel est le programme de « La grande livraison », qui se tient entre dimanche 5 et jeudi 9 novembre. Son but ? Visibiliser la dégradation des conditions de travail des coursiers à vélo auto-entrepreneurs, et défendre un projet de directive européenne qui prévoit de transformer les travailleurs des plates-formes (livreurs et chauffeurs VTC en tête) en salariés.

Cette place du centre-ville d’Amiens a été choisie car c’est là que se regroupent de nombreux livreurs, pour une majeure partie d’entre eux d’origine afghane. Ces derniers disent gagner pour l’un 209 euros bruts par semaine en travaillant sept jours sur sept, pour un autre jamais plus de mille euros par mois. Ils aimeraient tous arrêter pour trouver un véritable emploi.

A ces faibles rémunérations s’ajoutent l’absence de congés payés, d’arrêts-maladie, ou d’une véritable sécurité de l’emploi, inhérents à l’autoentrepreneuriat. « L’enjeu plus large, c’est la transformation du marché de l’emploi, et la diffusion du modèle de l’autoentrepreneur qui est dangereuse, et menace de plus en plus de métiers, avance François Ruffin. S’il y a un donneur d’ordre qui fixe les rémunérations et les conditions de travail, cela doit être du salariat comme le veut la directive, pas des bouts de boulots non reconnus et sans protection sociale. »

Fixer des règles identiques à l’échelle de l’Union

Ce projet de législation, lancé fin 2021 par des eurodéputés de gauche, souhaite fixer des règles identiques à l’échelle de l’Union, alors que les réglementations sont encore très disparates selon les pays. Elle sera discutée jeudi 9 novembre à Bruxelles en trilogue, soit avec des représentants du Parlement européen, de la Commission européenne et du conseil de l’Union européenne. La France est l’un des pays les plus opposés à cette présomption de salariat, qui existe déjà en Espagne.

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Les plates-formes sont les premières à désapprouver ce texte. « Nous saluons les efforts visant à apporter un cadre, plus de clarté et une protection renforcée aux travailleurs des plateformes, déclare un porte-parole d’Uber. Nous observons cependant que certaines des discussions actuelles risquent de n’apporter aucune amélioration, tout en allant à l’encontre de ce que la grande majorité des livreurs et chauffeurs nous dit valoriser le plus : la flexibilité offerte par le modèle indépendant. » Peut-être, mais pas à n’importe quel prix. « Il faudrait qu’on soit payé 22 euros brut de l’heure, donc au moins le double de ce qu’on touche actuellement, avec des congés pour que ce statut soit intéressant », répond Jérémy Wick, livreur Deliveroo et UberEats à Bordeaux.

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