Aux Etats-Unis, les salariés syndiqués et les Etats du Sud, grands vainqueurs de la grève de l’automobile

Aux Etats-Unis, les salariés syndiqués et les Etats du Sud, grands vainqueurs de la grève de l’automobile

Le président de l’United Auto Workers, Shawn Fain, le poing levé, aux côtés du révérend Jesse Jackson (en bas au centre), à l’occasion d’un rassemblement pour les grévistes, à Chicago (Illinois), le 7 octobre 2023.

Nul ne le conteste : les cols-bleus de Detroit, ces ouvriers syndiqués de l’automobile, sont les incontestables gagnants de la grève historique des usines de voitures américaines. Les travailleurs de Ford, General Motors et Stellantis vont bénéficier d’une hausse salariale de 25 % environ sur quatre ans, selon les accords qui ont mis fin au mouvement. Le salaire ouvrier maximal va monter à 42 dollars (39,50 euros) de l’heure. Un opérateur gagnera désormais plus de 80 000 dollars par an, hors heures supplémentaires.

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L’automobile est sur le point de retrouver le temps de sa splendeur salariale : selon une enquête du Washington Post, avec cet accord, le salaire horaire, aujourd’hui de 32 dollars, va retrouver le niveau qui prévalait, ajusté de l’inflation, en 1990, soit environ 42 dollars. A l’époque, les ouvriers automobiles gagnaient 80 % de plus que les autres salariés du privé.

Avec la faillite des constructeurs de Detroit, en 2009, et l’implantation des groupes étrangers dans le Sud non syndiqué, cet écart s’était réduit pour atteindre 14 % aujourd’hui. Il repart à la hausse. L’incarnation de ce succès est le progressiste Shawn Fain, un ancien électricien de Chrysler (désormais intégré à Stellantis), élu au printemps à la tête du syndicat United Auto Workers (UAW), et qui a mené une grève déterminée contre les trois constructeurs, une première depuis les années 1930.

Le gagnant politique de l’affaire est Joe Biden, qui s’était déplacé sur un piquet de grève pendant le conflit, une première pour un président des Etats-Unis. Le démocrate a absolument besoin de remporter l’Etat du Michigan, où se trouve Detroit, et qui avait fait la victoire de Donald Trump en 2016, avec la Pennsylvanie et le Wisconsin.

La transition électrique pâtit du conflit

Logiquement, les perdants sont les constructeurs de Detroit, les « Big Three », frappés par une hausse des coûts, alors qu’ils doivent prendre le virage du véhicule électrique. « Dans le passé, l’UAW a toujours eu un respect réaliste pour les besoins d’un constructeur automobile pour rester compétitif. Cette fois, ils ne l’ont pas fait », a déploré Bob Lutz, ancien président de Chrysler. Ford a chiffré cette hausse entre 850 et 900 dollars par véhicule. Le prix de vente moyen d’un véhicule neuf atteint 48 000 dollars aux Etats-Unis et il n’existe pas de modèle en dessous de 20 000 dollars.

Les actionnaires font grise mine, même si les titres des constructeurs ont légèrement rebondi avec l’annonce de la reprise du travail. Wall Street s’était entiché du renouveau de Detroit en janvier 2021, prêt à se lancer dans la bataille du véhicule électrique. Depuis, l’action Ford a retrouvé son niveau de l’époque, sous les 10 dollars, contre 25 dollars en janvier 2022. General Motors est au plus bas depuis 2016, si l’on excepte le trou d’air du début de la crise due au Covid-19, et vaut deux fois moins qu’il y a un an. Ford et General Motors valent respectivement 39 milliards et 37 milliards de dollars, seize fois moins que Tesla (628 milliards de dollars), dont le cours a pourtant été divisé par deux en deux ans.

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LJD

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