A Saint-Etienne, le sort de Casino soulève de vives inquiétudes

Implanté en face de la gare de Châteaucreux, à Saint-Etienne, le siège mondial du groupe de distribution Casino proclame son slogan sur la façade de son immeuble design : « Forever ». Avec sa traduction française homophone : « #forts et verts ». La référence, intimement liée à l’histoire de la cité minière, fait allusion à la couleur du club de football légendaire et tient du mantra, en pleine période d’incertitude sur la reprise du Groupe Casino.
La couleur verte vient de l’adresse de sa première implantation, rue des Jardins. Au début du XXe siècle, le groupe a fondé l’Amicale des employés de la société Casino, en même temps qu’il multipliait les succursales. Le modèle social, inspiré des utopies de la révolution industrielle, prévoyait système de retraite et progression interne des carrières.
L’amicale est devenue la célèbre Association sportive de Saint-Etienne (ASSE), au panache inégalé et au stade mythique, portant le nom de Geoffroy Guichard, fondateur de la première épicerie Casino. Alors que l’équipe de football a été reléguée en deuxième division en 2022, Casino, perclus de dettes, peut-il sombrer ?
« Personne ne veut croire que Casino peut disparaître, tellement la marque est liée à l’histoire de la région. Mais les salariés sont inquiets. Nous n’avons aucune assurance que le siège du groupe ne soit pas dans la balance des négociations qui s’engagent », confie Guillaume Touminet. Le représentant syndical (CFDT) auprès de la direction Casino France a tiré le signal d’alarme il y a quatre ans.
Pour lui, la vente des murs des succursales a donné l’impression « que l’entreprise était vidée de sa substance pour augmenter les dividendes des actionnaires et rembourser les dettes des autres entités du groupe ». Allusion aux autres structures de l’empire de la distribution constitué par Jean-Charles Naouri à partir de 1992, avec l’absorption de Casino par la holding détenant Rallye, suivi des rachats des enseignes Monoprix, Franprix, Leader Price et Cdiscount.
Le syndrome Manufrance
« Le siège social a fondu, la direction des achats du groupe est à Vitry-sur-Seine [Val-de-Marne], la holding de M. Naouri et le siège de Monoprix sont aussi en région parisienne. Que fera le repreneur ? », s’interroge Guillaume Touminet. En réponse à ses inquiétudes, exprimées dans la presse locale, le syndicaliste a été convoqué en 2019 pour un entretien préalable à son licenciement, avec avertissement à la clé.
« Le tribunal des prud’hommes a sanctionné cette décision. J’ai aujourd’hui le sentiment qu’il faut de nouveau demander la vérité sur la situation réelle du groupe et sur les intentions de nos dirigeants. Dans le passé, personne n’osait imaginer que Manufrance pouvait couler du jour au lendemain, malgré les promesses de reprises », explique M. Tourminet. Le syndrome lié au groupe industriel, disparu en 1980 avec 1 800 salariés, touche encore les cœurs à Saint-Etienne.
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