Les « soft skills » débarquent à l’université
Aksel, 21 ans, admet qu’il avait jusqu’à récemment « du mal pour les travaux en groupe », à l’université comme dans sa vie personnelle. « Soit j’attends que les autres me disent quoi faire, soit j’ai tendance à être un peu directif avec eux », explique le jeune inscrit en deuxième année de licence de langues à l’université Lyon-III. C’est ce qui l’a poussé à participer, en janvier, à l’atelier « Travailler en groupe » proposé par son établissement. Après trois heures de mise en situation, de tables rondes et de découverte de quelques concepts-clés de psychologie sociale avec une quinzaine d’autres étudiants, il a compris que « 90 % du job dans un travail en groupe, c’est “écouter” les autres, vraiment, pas seulement les “entendre” », mais surtout qu’il ne fallait pas avoir peur « de donner son avis, de débattre et de ne pas être d’accord ». Depuis cette courte formation, ses expériences de travail avec d’autres étudiants « ont été beaucoup plus positives », affirme-t-il.
Travailler en groupe, communiquer à l’oral, gérer son intelligence émotionnelle, optimiser sa mémoire, être créatif : « Ces compétences ne sont pas innées. Elles doivent s’apprendre, car les étudiants sont désormais attendus là-dessus par les recruteurs… », résume Nathalie Krief, vice-présidente de Lyon-III chargée de la formation, de la vie étudiante et de l’insertion professionnelle. La liste des ateliers proposés par l’université recoupe en effet en grande partie celle des « soft skills » (ou compétences comportementales), que les employeurs disent désormais rechercher lors des entretiens d’embauche, au moins autant que les « hard skills » (compétences techniques), que les diplômes viennent sanctionner.
Les compétences transversales recherchées par les recruteurs dans les CV
Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) publiée en juin 2021, « Le rôle des compétences transversales dans les trajectoires des diplômés du supérieur », les recruteurs valorisent d’abord chez les candidats à un poste la « capacité à travailler en équipe », suivie par le « dynamisme », la « capacité à s’organiser », le « sens des responsabilités », et enfin les capacités d’« initiative » et d’« innovation ».
« On peut être un très bon technicien dans son domaine, mais si on ne sait pas s’organiser, gérer son stress, vendre ou partager efficacement ses idées, on se retrouve rapidement en difficulté. Et ce, en tant qu’étudiant comme en tant que professionnel », illustre Fabien Lafay, le responsable du pôle réussite de l’université, qui organise ces modules depuis 2006. Avec « près de 20 000 étudiants » bénéficiaires de ces ateliers, proposés hors maquette et sur la base du volontariat par des formateurs ou coachs professionnels, Lyon-III fait figure de pionnière, alors que la question de la transmission des compétences dites « transversales » s’invite à petits pas dans les universités.
Petite révolution
Dans les universités de Lyon, Strasbourg, Nantes, Rouen-Normandie, ou encore à Paris-VIII, pour ne citer que ces établissements, cette tendance prend, depuis cinq ans, la forme de nouvelles unités d’enseignement (UE) facultatives proposées aux étudiants pour développer spécifiquement ces compétences. Mais aussi de formations pédagogiques des enseignants, ou encore de temps de sensibilisation aux soft skills durant l’année, de diplômes universitaires (DU) spécifiques, etc. Outre l’intérêt de plus en plus fort du monde professionnel pour ces compétences, des évolutions réglementaires expliquent cet engouement naissant. L’arrêté licence de 2018 rappelle ainsi l’importance de l’approche dite « par compétences » dans les diplômes universitaires. Outre des connaissances et compétences disciplinaires, linguistiques et professionnelles, y figurent ainsi des compétences transversales, telles que « l’aptitude à l’analyse et à la synthèse, à l’expression écrite et orale, au travail individuel et collectif, à la conduite de projets (…) », précise le document, qui va donc au-delà des simples soft skills.
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