Retraite et travail : « Pour les jeunes générations, l’impression d’une arnaque généralisée »
Dans Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste (Dunod, 2021), Céline Marty, professeure agrégée et chercheuse en philosophie du travail, s’interroge sur la centralité du travail dans nos vies. A rebours de l’actuel projet de réforme des retraites, qui prévoit de travailler davantage, elle se penche sur les aspirations à « ralentir » exprimées par une partie de la jeunesse.
Les incertitudes sur le futur, revenues avec la réforme des retraites, pèsent-elles sur le rapport au travail des jeunes générations ?
Le principe de la retraite par répartition repose, avant tout, sur une confiance en l’avenir et un pacte social de réciprocité. Pour les jeunes générations, ce rapport de confiance a été malmené, et est aujourd’hui brisé. Avec les différents projets de réforme, une défiance est apparue : l’impression d’une arnaque généralisée, où les jeunes générations sont appelées à financer de plus en plus longtemps les retraites des aînés, avec de moins en moins de certitude de pouvoir jouir, un jour, de la même pause que ces derniers.
Face à la crise climatique, nombre d’entre eux s’interrogent aussi sur les conditions dans lesquelles nous serons amenés à travailler d’ici à quelques dizaines d’années – qui ne sont d’ailleurs pas du tout prises en compte dans les calculs technocratiques sur l’allongement de la vie professionnelle. Que signifierait encore travailler à 64 ans, dans un monde à 3 degrés de plus de réchauffement ?
En quoi l’enjeu climatique est-il central dans les réflexions de la jeunesse autour de la réforme ?
Les jeunes générations engagées, celles qui se trouvent notamment dans des organisations militantes comme Youth for Climate, soulignent en effet les conséquences écologiques de la réforme des retraites. Elles pointent la logique productiviste qui sous-tend ce projet d’allongement du temps de travail, qui épuise les travailleurs et les ressources naturelles. Pour cette jeunesse, cette réforme apparaît comme une aberration sur le plan écologique quand tout nous appelle, au contraire, à ralentir.
Elle est souvent taxée, pour cela, de « fainéantise » par une partie de ses aînés. Est-on face à une génération paresseuse ?
Cette critique caricaturale vise à évacuer les propositions que porte une partie de cette génération autour d’un travail moins aliénant. Vouloir s’épanouir hors du seul cadre de l’employabilité et du productivisme ne suppose pas une fainéantise. On l’a bien vu avec la question, soulevée depuis le projet de réforme, de l’importance sociale fondamentale, mais non marchande, des retraités dans la vitalité associative ou le soin aux enfants.
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