« Le smic ne joue plus son rôle d’outil de politique salariale en France »
Introduit en 1970 dans la foulée des accords de Grenelle de 1968, le salaire minimum de croissance (smic) fut pensé comme un outil de partage des fruits de la croissance. Certes, seulement 10 % à 20 % des salariés, selon les périodes, avaient une part de leur rémunération directement basée sur le smic, mais il servait d’aiguillon pour l’ensemble de la hiérarchie salariale. La désindexation des salaires, jusqu’alors indexés sur l’inflation, dans les années 1990, avait même renforcé ce rôle : les gouvernements utilisaient les coups de pouce au smic au-delà de la formule automatique pour impulser une dynamique salariale.
Ce n’est plus le cas depuis quinze ans. Le dernier coup de pouce date de juillet 2012 : consécutif à l’élection de François Hollande, il n’était que de 0,6 point et n’en était même pas un, puisqu’il s’agissait d’une avance sur la hausse automatique de janvier 2013. L’absence de coup de pouce a permis de rendre moins visible le gel du point d’indice des fonctionnaires ; le smic s’est rapproché imperceptiblement des salaires de base de corps de fonctionnaires qui n’ont pu bénéficier de mesures catégorielles significatives. C’est notamment le cas pour les enseignants. De même, les négociations de nombreuses branches accusent d’importants retards, laissant doucement les grilles de salaire s’enfoncer sous le smic. Résultat, les rémunérations moyennes du privé comme du public progressent actuellement bien moins que l’inflation.
A l’inverse, en Allemagne, la coalition a donné en automne 2022 un coup de pouce franc au salaire minimum afin, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de renforcer l’attractivité des métiers à bas salaire, mais aussi d’enclencher des cycles de négociations pour des revalorisations générales.
Mais le smic ne joue plus ce rôle d’outil de politique salariale en France. Il est même devenu un paramètre d’indexation des transferts de l’argent public vers les entreprises et les ménages. La réforme des retraites en est une illustration supplémentaire, avec la fameuse pension minimale à 85 % du smic pour une carrière complète à temps plein, dont le coût budgétaire est estimé à plus de 1 milliard d’euros.
Un salaire, pas un indice
Mais le cas le plus exemplaire reste les réductions et exonérations de cotisations sociales, le transfert d’argent public le plus massif à destination des entreprises. Pour les seuls dispositifs généraux, résultats d’une sédimentation de politiques décidées depuis le gouvernement Balladur il y a trente ans, l’Etat y consacre aujourd’hui près de 1 000 euros par an et par habitant ! Les débats entre économistes sont vifs sur leur impact réel pour l’emploi et la compétitivité.
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